Page 100 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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LES ANCIENS CANADIENS                                 101

          de m'incarcérer.  Il le fit, à la fin, mais à loisir.  Je l'aurais
          remercié à deux genoux.  Je jouissais d'un bonheur négatif, en
          défiant, à travers mes barreaux, la malice des hommes de m'in-
          fliger une toreure de plus!
            Le prisonnier éprouve un singulier besoin pendant le premier
          mois de sa captivité: c'est une inquiétude fébrile, c'est un besoin
          de locomotion continue.  Il se lève souvent pendant ses repas,
          pendant la nuit même pour y satisfaire: c'est le lion dans sa
          cage.  Pardon à ce noble animal de le comparer à l'homme!
          il ne dévore que quand il a faim: une fois repu, il est généreux
          envers les êtres faibles qu'il rencontre sur sa route.
            Après tant d'épreuves, après cette inquiétude fébrile, après
          ce dernier râle de l'homme naguère libre, j'éprouvai, sous les
          verrous, le calme d'un homme qui, cramponné aux manœuvres
          d'un vaisseau pendant un affreux ouragan, ne ressent plus que
          les dernières secousses des vagues après la tempête; car, à part
          les innombrables tracasseries et humiliations de la captivité, à
          part ce que je ressentais de douleur pour ma famille désolée,
          j'étais certainement moins malheureux: je croyais avoir absorbé
          la dernière goutte de fiel de ce vase de douleur que la malice
          des hommes tient sans cesse en réserve pour les lèvres fiévreuses
          de ses frères.  Je comptais sans la main de Dieu appesantie sur
          l'insensé, architecte de son propre malheur!  Deux de mes
          enfants tombèrent si dangereusement malades, à deux époques
          différentes, que les médecins, désespérant de leur vie, m'annon-
          çaient chaque jour leur fin prochaine.  C'est alors, Ô mon lils'
          que je ressentis toute la lourdeur de mes chaînes.  C'est alors
          que je pus m'écrier comme la mère du Christ: c Approchez et
          voyez s'il est douleur comparable à la mienne!'  Je savais mes
          enfants moribonds, et je n'en étais séparé que par la largeur
          d'une rue.  Je voyais, pendant de longues nuits sans sommeil,
          le mouvement qui se faisait auprès de leur couche, les lumières
          errer d'une chambre à l'autre; je tremblais à chaque instant de
          voir disparaître ces signes de vie qui m'annonçaient que mes
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