Page 177 - index
P. 177

Paris Le 23 Décembre 1755.
                        Monseigneur.
                            Quelque  crainte  que j'aye  de vous  importuner  au milieu  des  grandes
                        occupations  où je  vous  sçay, ne voulant  rien  faire de ma &te et saais con-
                        seil ou ordre de votre part je  ne puis me dispenser de vons confier I'emba-
                        ras où j'e me trouve.
                            Il me vient journellement des lettres de no;  différmtes colonies de I'A-
                        mérique,  nos  pauvres  missionnaires  dispersés  m'en  écrivait des différents
                        ponts ou ils prennent terre.
                            Je  reçois toutes ces lettres et  j'en  acquitte le  port,  suivant l'usage  ou
                        je  suis de le  faire pour mon  compte depui,s 25 ans; mais ce n'est  pas  la  ce
                        qui me peine  le plus,  tandis  que mes  petites  facultés  et ma  santé me per-
                        mettront de faire face, les unes à la dépense, et l'autre à un travail qui peut
                        égalenient servir l'état et la rdiSion.  Je suis citoyen, et j'ay  l'honneur  d'etre
                        prêtre, cela me  suffit pour étre également attaché à l'un  et  à l'autre;  mais
                        voicy Monseigneur,  ce qui me penetre de douleur.
                            Nous  n'avons  plus  aucun missionnaire dans  la  Nouvelle  Ecwse, sous
                        le Gouvernement anglois, ny dans I'acadie françoise, sur les rivières établies
                        sous ,le fort de Beauséjour que les Anglois nous ont pris.
                            De  quatre missionnaires  qui  étoient  d2ns la  Nouvelle  Ecos,se, soiis le
                        gouvernement anglois, trois  (comnie jay déjà eu l'honneur  de vous le  mar-
                        quer) ont été enlevés, et après quelques mois de prison à Alifax ont 6té con-
                        duits à Portsmouth et de Portsmouth ont 6té renvoyés (sur un vaisseau qu'ils
                        ont fretté à leurs dépens avec plusieurs  autres .passagers)  dans le  port  de
                        St Malo d'ou  ils m'ont  anoncé ley débarquement et leur dispersion chacun
                        de leur coté selon les vues qu'ils avoient.
                            Le seul et unique missionnaire  qui  étoit dans l'acadie  françoise, et qui
                        desservoit  au nioins  40  lieues de pays,  sur les trois  rivieres  de  Chipoudy,
                        Petkoudiak. et Memeramkouk, .sous le  fort de Beauséjour, a  prk la fuite
                        sur la première nouvelle  qu'il  a eue que les mglois voulaient  faire enlever
                        ses habitans  pour  les faire transporter  en  angleterre,  j'ignore  ce  qu'il  est
                        devenû ; je  le crois cependant actuellement parvenû  à Quebec.
                            Vous voyés  hlonseigneur,  par le détail que je  viens de vniis  faire des
                        quatre missionnaires qui etoient dams la Noiivelle Ecosse, sous le gouverne-
                        nement anglois qu'il  ny en a eu que trois d'arretés,  et de transportés en An-
                        gleterre.. . j'ignore  absolument  encore  ce  qu'est  devenû  le  quatrième, qui
                        s'étoit  cy  devant  retiré  de Port  Royal,  et  refugié, avec  quelques  acadieiis
                        françois au cable de sable.
                            Quant  aux  trois missionnaires que par  vos ordres  Monseigneur,  j'ay
                        fait pantir cette année pour Liouisbourg, voyant  qu'il  n'y avoit rien à faire
                        pour eux à I'acadie angloise ny françoise ils ont heureusement  passé  à Qué-
   172   173   174   175   176   177   178   179   180   181   182