Page 15 - La Société canadienne d'histoire de l'Église catholique - Rapport 1961
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bon  nombre  de  ses  parents  fusxnt  parmi  lee  patriotes  cornpromie,
                              madame  Gamelin visitait  la  prison en  toute liberté.  Jamais les autorités
                              ne parurent  douter de  sa  prudence  et de sa  discrétion.  Un  jour,  cepen-
                              dant,  elle  rqoit  la  visite  d'un  fonctionnaire  qui  lui  demande  si  elle
                              cache  des armes  dans sa  maiaon.  r Mais oui,  et  les voici ., répond-elle
                              vivement  en  ouvrant la  porte  d'une  snIle  remplie  de  vieiIlea.
                                  Madame Gamelin  profitait amplement de cette liberté  et s'entremet-
                              tait volontiers  pour  favoriser leu communications entre les prisonniers  et
                              leurs  parenb.  C'est  par  elIe  que  le  notaire  Cardinal.  dont  le  procès
                              s'instruisait,  faisait  parvenir  B  ma  femme,  le  13 déeembre  1838,  une
                              lettre  dont  nous  extrayone  les  Lignes  suivantee :  La  bonne  madame
                               (madame Gamelin) m'a  mis  en état  de  t'envoyer  aujourd'hui  une  lettre
                              que  je  t'ai  écrite  depuis  plusieurs  jours  et  j'espère  que  demain  elle
                              se  chargera  de  eebci . . . ne  erains  pas  de me eompromettre . . . Cette
                              dame  est  si  bonne,  si  compatissante,  si  vertueue  qu'elle  ne  refueera
                              aucun  serviee  qui  sait  en  son  pouvoir.  Elle  parait  s'intéresser  beeu-
                              COUP  pour  UOUS..  . *
                                  Le  lendemain  du  jour  où  le  notaire  Cardinal  écrivait  cette  lettre,
                              plusieurs  iniurgés étaient  eondarnn.8  à  mort.  Son  uorn ouvrait  la  dou.
                               Dureuse  liste;  celui  de  ]meph  Duquelte,  étudiant  en  droit,  figurait
                              enauite.  Tous  deux se  inontraient  courageux  et  résignés,  mais  en  son.
                              peant B  leurs familles, ils tombaient parfois  daus un  rofond  abattement.
                              Cardinal  Ctai~ marié  et père  de plusieurs  enfants;  gvqustte était  l'uni-
                              que  soutien  de  sa  mère,  veuve,  et  de  ses  trois  jeunes  sceurs.  Madame
                              Gamelin  les  visitait  assidûment.  Tout en  nardant  le  premier  rang  à  la
                              eharité,  elle  témoipniait  ainsi  d'un  patrioiieme  éclairé  et  magnanime.
                                  Au  matin  du  20  décembre,  veille  de  l'exécution,  M.  Cardiual  lui
                              confiait  une  lettre  pour  sa  femme.  Dans  la  soirée,  il  lui  écrivait  de
                              nouveau  et  longuement, n'espkant  plus sa  visite, ni celle d'aucun  de ses
                              parenls.  II  comptait  sans  I'ingéuieuse  uympalhie  de madame  Gamelin,
                              car  c'est  eIle,  sans  doute,  qui  amenait  à  la  prison,  dans  la  soirée  du
                              20  décembre,  lea  plus  proehes  parents  de  Cardinal  et  de  Duquette.
                              Madame Marion  (Marguerite Cardinal)  racontait  plu6 tard à  nos aœurs
                              qu'eile  avait  six ans lorsque son  malheureux père fut exécuté.  Laisabns-
                              Iui  la  parole :
                                  * Le  20  décembre,  ma  mère,  ma  etite  sœur  Charlotte  et  moi,
                              ainsi  que madame  Duquette  et  mon  Rtan a -père, Bernard  Saint-Germaiu,
                              allions  voir  mon  père  ct  le  jeune  Duquette  à  la  tison,  au  Pied-du-
                              Courant.  où  ils  btaient  ditenus  depuis  un inois.  hLdame  Gainclin.  ia
                              future foudatrice des Seurs de la Providence, nous aecompaguait.  11 était
                              minuit  quand  noua errivârnes à la prison.  On  nous conduisit  dans  nne
                              grande  saHe.. . Je  vis  mon  père.  dcux  oncles  et  d'autres  prisonnicm
                              politiques.  Je ue savais pas que inon  p8re devait mourir le lendemain . . .
                              Je me rappelle qu'il  conmolait ma  mère et que madame Duquette sanplo-
                              tait en baisant les mains de son fils.  L'entrevue  dura une heure.  Lorsque
                              nous partîmes,  ina mère  rapportait  une letlre  ue  mon  père avait écritc,
                              désespérant  de  nous voir  avant  sa  mort . . . e lendemain,  I'cxécutjon
                              de  mon  père  avait  lieu  à  ncuf  heures  et  cclle  du  jeune  Duquette  à
                              neuf  heures  et  dernie.  I
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