Page 118 - Transcriptions d'actes notariés - Tome 20 - 1682-1686
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un  vif  dépit et  jeta  an feu  son catéchisme, dans nn  accès de colère.  Les
                                  hliernacs  avaient  beaueoup  respect  pour  leurs recueils  de  prières,  éerits
                                  en  r araclères  hié~ogl~pliique*. Ile  les  conscrvaient  dans  des  étuis  de
                                  bouleau.  les vénéraient  comme  des  objets sacrés,  et  se  faisaient scrupule
                                  de  les  jeter,  même  usés.  Aussi  cette  Indienne  avait-elle  malédifié  Be3
                                  cornpalriotes.
                                      Le  Père LeClerc:rj  voulut  done la punir et  imagina  une mise en &ne
                                  ingéniense,  afin  de frapper  l'esprit  de ses  enfant^  des  bois.  II  se rendit
                                  à  la  cabane  du père,  s'agenouilla  près  du  feu,  et  rerueillit  avec  respect
                                  les  cendres  de catéchisme  dans  soli  mouchoir,  en  ténioignant  aux  San-
                                  vages  présents  tout  son  chagrin  de  la  eonduite  de  cette  Indienne.  La
                                  tache  de cendre montrait,  dit-il,  la  noirceur de  sa faute.  II  déclara  que
                                  cetle fiile  n'astiipterait  plns  à la  prière,  tant  qu'elle  n'aurait  pas effacé de
                                  ses  larmes,  à  la  porte  de  la  chapelle,  la  tache  des  cendres  sur  le  inou-
                                  choir.
                                      LR  missionnaire  ne dit  pas si  la  pénitence  fut appliquée  dans toute
                                  sa  rigneur,  ni  si  la  pauvre  Indienne  put  trouver  assez  de larmes  pour
                                  opérer  cette  lessive  réparatrice !  biais,  fortement  réprimandée  par  les
                                  autres Indiens, elle se soumit et ne put rentrer à l'église  qu'après  plusieurs
                                                                                    .   .
                                  ~emaines d'attente.
                                                            4  .   4
                                      Le  second  exemple  que nous rencontrons ne eoncerne pas une  péni-
                                  knce  publique  expresse,  mais  une  sanction  publique  qui  y  ressernblc,
                                  survenne  à  Beaubassin  en  1608.  Elle  résulta  d'une  naissance  iilPvitime,
                                  mettant  en  cansc  deux  des   principale^  faniilles  de  ce  village.  t'abbé
                                  Trouvé,  sulpicien,  d'aecord  avec  le  gouverneur  Mcnneval,  institua  une
                                  enquête.  LR  jeune  Iiomme,  lanni du  pays,  dut passer  en  Francc et,  s'il
                                  faut en croire DesGouttins.  toute sa fainille eommenaut 19 ~ersonnes dnt
                                  aussi  s'exiler,  et  leurs biens  furent  confieqnés  ; au profit  du  père  de la
                                  denioiselle 1.
                                      Nons nianquone de déiails pour apprécier exactement le rôle de l'abbé
                                  Trouvé en  ceite affaire.  LR  témoignage  de DesGouttins parait  netlement
                                  Iiostile  aux  rnissionnaircs,  et il  est  invraisemblable qne le gouverneur  ait
                                  pu  condamner  ainsi  toute  unc  familie,  y  compris  les  enfants  mari69  et
                                  les gendres, pour la  faute d'un  de ses membres,  et confisquer  leurs biens,
                                  sans soulever  d'au~rc protestation.  Mais  la  reticenrc  de  Menneval  et
                                  quelques indices laissent présumer qne lee critiques de  DesGouttins  repo-
                                  saient sur un  fonderncnt réel.  De fait, plnsieurs faniilles quittèrent Beau-
                                  bassin en  ceite même année et  l'abbé  Tronvé subit  des difficultés,  dont  il
                                  se plaint  dans une lettre à l'abbé  Tronson,  si  fortes qu'il  dnt  retourner  à
                                  Port-Royal.  II  semble  donc  bien,  jusqn'à  plus  ample  informé,  que  Is
                                  missionnaire ait employi: des moyens pour le nioins trés Energiques, peut-
                                  étre  abusifs,  qui eurent  une grave répercussion  sur la  petite  colonie  de
                                  Beaubasein et  sur sa propre carrière.


                                   3  Voir à  ce sujet : Rameau,  Une  colonie Iiodaie . . . voI.  2,  p.  324  et  .Wérnoires  de
                                     b Swiéti  ghédagiquc. .. vol.  1, ND 2  (juin  19441,  p.  101-110,  a Les  Morin
                                     d'Ac~die i, par  le R.P. Archange  Gdbout.
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