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découvrirent la poitrine du mort: la peau était parfaitement conservée. Le corps ne
portait qu'une camisole de flanelle blanche du pays et une chemise de flaneHe carif\e'autée
rouge et noB-. Sur sa fiJgure, on M'ait jeté une èco~De de bouleau. Les cLeQlX Gagnon,
épouvantés, recouvrirent le corps et revinrent tout droit à La Malbaie pour faire rapport
à la Justice de leur macabre découverte.
Le Coroner Edouard-Zéphirin Boudreault vint tenir une enquête à Crooked Islands,
en la demeure d'Antoine Riverin. Il était accompagné du petit jury suivant: Louis Boily,
Ovide Boily, Lamant Guérin, Oharles Ouellet, Pierre Brière, Plhilèas Filion, David Bowan.
Léandre Brassard, Théodule Savard, Thomas Riverin et Xavier Parent. Le jury fut
unanime à déclarer que Poitras devait être aDcusé let jugé en Oour criminelle. Le Oorone;r
inséra dans son rapport cette phrase en anglais: "hath killed feloniously, wilfully and
of malice Ouellet and buried the body at the place called, Islets of Mai"
Poitras fut donc de nouveau arrêté et conduit à la prison de La Malbaie. VoiCi une
copie de l'acte d'arrestation, dit Warrant. Le bilinguisme n'était pas encore en force en
cette première année de la Confédération. "By virtue of my office, in Her Majesty's Name,
to charge and command you or any of you forthwith safely to convey the body of the said
Eugène Poîtras, carpenter of the place of L'Anse St-Jean to Her Majesty's goal of the
District of Saguenay of the Parish St Etienne de La Malbaie and safely to deliver the
s!IJllle Eugène Poitras ta the Ke.eper of the said gnall until he shaJll be thlIDDe 'dislooarged
by due course of Law" Thomas Chaperon, Keeper Edouard Boudreault
OOrollle!l'
Le 16 septembre, Maître T. PIenette et Maître C. Cimon demandèrent un bref d'Habeas
Corpus en faveur de Poitras, mais le juge D. Roy refusa de l'accorder.
Au procès, les témoignages furent probants et accablants. Joseph Malloney, qui fut
appelé dans la boîte, déclara que Poitras, au retour de son voyage, portait les habits de
Ouellet, et que dans sa barque, on avait aussi retrouvé le fusil, la corne à poudre et le
sac de plomb de ce dernier. Marcel Leclerc corrobora en entier ce témoignage et de plus
ajouta que l'accusé n'avait jamais tant possédé d'argent que depuis le voyage sur la Côte
Nord avec Ouellet. La Cour apprit aussi que Poitras était retourné chez lui et qu'il avait
fait laver et nettoyer des habits imbibés de sang. Le procès ne fut pas de longue durée.
Le jury fut unanime dans sa décision. Le juge D. Roy, d'une voix grave et émue, prononça
le verdict de mort en ces termes : "Sentence est que vous, Eugène Paitras, soyez reconduit
du lieu d'où vous êtes, d'où vous venez, c'est-à-dir,e dans la prison commune de ce disltirtct du
Saguenay, que vous soyez détenu là jusqu'à vendredi, le 20 du mois d'août prochain, et
que le dit jour entre les dix heures du matin et les deux heures de l'après-midi, vous soyez
conduit au lieu de l'exécution pour être pendu par le cou jusqu'à ce que la mort s'ensuive".
C'était le 25 juin 1869.
Triste et abattu, le géant Poitras prit le chemin de la cellule. Il obtint sur requête
au Gouvernement, un sW'sis jusqu"lI;u 20 septembre. Oette requête representait entre ·lI;uwes
allégués que le condamné n'appartenait pas au district du Saguenay; que l'offense n'avait
pas été commise dans le comté de Charlevoix; que le comté avait toujours joui d'une
réputation de moralité, telle qu'il n'était pas nécessaire de donner à sa population le
spectacle d'une exécution pour servir d'exemple; qu'enfin la preuve contre Eugène Poitras
était tout-à-fait circonstancielle. Pour ces raisons les réquérants intercédaient pour
obtenir une commutation de sentence. Le Gouvernement ne crut pas devoir accorder
cette demande et jeudi le 16 septembre, Monsieur P.-H. Cimon, shérilf du district de
Saguenay, recevait de l'Honorable Secrétaire d'Etat, la lettre suivante
Québec, 14 septembre 1869
Monsieur,
Je vous informe de nouveau, comme je l'ai déjà fait, il y a un mois, que la date fixée
pour l'exécution d'Eugène Poitras est le vingtième jour de septembre courant et que,
conformément à la décision du Gouverneur-Général, en Conseil, le vingtième jour de
septembre courant, la sentence portée contre le dit Eugène poitras devra être mise à effet.
Je demeure, Monsieur,
Votre très humble serviteur
Hector L. Langevin,
M. le Shé;riff, Secrétaire d'Etat.
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