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dénotaient alors de grandes inquiétudes morales, la physionomie du condamné exprimait
la tranquillité d'esprit et la résign,ati<m à SOn sort. .
TI. communia en viatique et fit une ferventeaJCtiJOn de grâces. Pressé par le g>eôlier
de prendre un peu de nourriture, il avala à grand peine quelques bouchées de pain et
une demi-tasse de thé. Il causa pendant quelque temps avec les personnes qui l'entouraient.
Il recommanda au shérif d'adresser au curé Martial Bilodeau, de Ste-Anne-des-Mon'ts,
la lettre qu'il avait composée pour MadBiIIle Poitras. Il raconta leIl15U1te aJV€lC volubilité que
pour gagner les sympathies de ses gardiens et les exciter à la pitié, en paraissant affaibli,
pensant que PM' là, il les engagerait à lui fournir les moyens de s'évader, il avait jeûné
pendant neuf jours d'abord et huit jours ensuite, sans prendre d'autre nourriture qu'un
peu de lait étendu d'eau.
Quelques minutes !!Jprès neuf heures, il se remit à prier. Monsieur l'llJbbé Bureau l'enga.gea
à déclarer sur l'échafaud s'il était innocent ou s'il était coupable. Poitras refusa d'abord,
prétendant qu'il n'y avait aucune nécessité à faire cette déclaration, et qu'en mOU!rant,
il devait contenter les hommes. Puis, sur les instances du curé, il s'écria : "Eh bien!
oui! je le ferai; je suis prêt à faire tous les S31Crilfices, mais je crains de n'être pas caJpable:
je suis si faible".
A ce moment, le bourreau fit son entrée. Les prêtres récitèrent alors des prières
auxquelles le condamné répondit d'un ton élevé et sans apparence d'émotion.
:Le bourreau lui U:a les b:Ms avec des comes, laissant les mains et les avant-'bras !libres;
puJs il passa la corde au cou du condamné et la lugubre procession défila dans l'ordre
suivant : M. l'abbé Doucet, portant surplis et étole et ayant à la main un crucifix qu'il
présentait de temps à autre au condamné; Poitras venait ensuite, soutenu à droite par
M. Bureau et à gauche, par M. T. Chaperon. En arrière de Poitras, suivait le bourreau,
vê'tu de noir et masqué; il tenait dans sa main une extrémité de la corde. En dernier lieu,
le shérif s'avançait suivi des connétables de la prison.
Lorsque le condamné apparut sur la plateforme, un silence des plus profonds se fit
dans la foule qui se pressait aux abords de la prison. Poitras s'avança au bord de la
balustrade et regardant de tous côtés, il fit un effort surhumain pour parler et réussit à
dire d'une voix faible mais bien distincte : Je suis coupable du meur'tre de Ouellet, j'en
demande pardon à Dieu et à vous-même .... Je me !reCommande à vos prières 1 n s'age-
nouilla pour recevoir l'absolution de ses fautes. Le bourreau lui attacha alors les pieds,
passa la corde au crochet du gibet, abaissa le bonnet sur les yeux du malheureux et au
milieu de l'horreur de toutes les personnes réunies, il fit jouer l'horrible machine. La
trappe s'ouvrit soudain. Poitras tomba dans le vide. Un autre drame plus effarant suivit.
Nous en ~iJVons déjà padé 8lIl délbut. Quatre minutes après, le Docteur Hamel déclarait que la
vie avait cessé. Une heure plus tard, eurent lieu les cérémonies de la sépulture.
Te[le est, en résumé l'histoire de Poiltras. Les vieux de :ua Malbaie la mcontent parfois
aux plus jeunes. Bien des détails leur échappent. Ils retrouveront dans ce récit des passages
oubliés. Dans le grenier du Palais de Justice, on conserve quelques poutres qui furent
utilisées pour la potence. Ici à l'Ecole Supérieure, noUS gardons le crochet de fer, forgé
chez le père William Riverin, et qui a servi à suspendre la corde du condamné à mort.
Les détails sur les derniers moments de Poîtras nous ont été fournis gracieusement par
Monsieur Victor à Hyacinthe Tremblay qui a conservé bien précieusement une copie d'un
petit opuscule paru en 1869 et racontant en détail l'histoire de cette pendaison.
13- L'ENFANT VOLEE A LA MALBAIE.
Le 19 août 1932, mourait à l'Hôtel-Dieu de Chicoutimi une sauvagesse du nom de
Philomène Duberger. Elle se disait âgée d'environ quatre-vingt-deux ans. Avant de rendre
le dernier soupir, elle raconta à une religieuse quelques souvenirs de son jeune âge. Tout
d'abord, elle prétendit n'être pas une véritable sauvagesse, puis elle ajouta les détails
suivants : "Etant toute petite, j'ai été enlevée par des sauvages qui m'amenèrent à Bersimis
sur la Côte du Saguenay et m'élevèrent dans leur tribu. Devenue adulte, On me fit marier
à Un indien. Deux ou trois enfants naquirent de cette union., Devenue veuve, je me
remariai avec un autre sauvage du nom de Charles Dominique et je demeurai plusieurs
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