Page 61 - monseigneur
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jardin et je n'ai jamais vu travailler ces femmes-là. Elles pas-
saient la journée assises sur leurs perrons à se bercer et, de
temps en temps, elles venaient faire un tour chez nous, jaser
avec ma grand-mère et mon grand-père. La Vitaline avait
une fille mariée dans le rang. Elle y allait très souvent.
Quand les enfants ont été partis, elle est restée seule avec son
chien. Elle mangeait une croûte ou des patates et du lait et elle
est morte à lOS ans! La frugalité est donc un bon moyen
pour vivre longtemps. En dernier, elle était aveugle; son chien
la conduisait partout.
Il y avait au village deux traversiers, un en haut du village
et un en bas, car il n'y avait pas encore de pont, excepté celui
des chars (trains). Nous n'avions qu'un magasin général,
tandis qu'à Pierreville, il y en avait trois. Les deux frères
Laperrière, qui avaient chacun leur magasin, et celui de
Shooner. Nous allions donc acheter plutôt à Pierreville chez
un des Laperrière. Cette Mme Laperrière aimait bien ma
mère et nous invitait à aller prendre une tasse de thé à sa
maison, voisine du magasin. Ma mère était très sociable,
elle avait une belle façon (parlait à l'aise); aussi, elle avait
des amies parmi toutes les classes de la paroisse. Mme Gill, la
femme du marchand de Saint-François, était une Tadore Ver-
ville; elle était très affable, de même que Mme Allard
(Jules), la femme de l'avocat. Il n'y avait pas de snobisme chez
ces femmes-là; elles étaient gentilles avec tout le monde.
Le train passait une fois par jour. Il partait de Nicolet, je
pense, ensuite La Baie (Baieville), Pierreville, Saint-François,
Sorel, etc., jusqu'à Montréal, et revenait le soir à 8 heures.
Ça lui prenait tout l'avant-midi pour se rendre en ville. Les
coureurs d'aujourd'hui auraient pu le suivre et même le dé-
passer!
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