Page 56 - monseigneur
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bac, à la rivière. C'était la traverse du haut du village. La
                            rivière Saint-François n'était pas large; ça ne devait pas
                            prendre plus de dix minutes, un quart d'heure, pour la traver-
                            ser et ça coûtait dix cents: nous arrivions directement à Pier-
                            reville.
                                Chez nous, à Saint-François, c'était les soeurs grises
                            d'Ottawa qui enseignaient, tandis qu'à Pierreville, c'était les
                            soeurs de l'Assomption de Nicolet. Au village sauvage, c'était
                            les soeurs grises aussi. Nous voisinions, car les soeurs se con-
                            naissaient. Je ne me rappelle pas être allée au couvent chez les
                            soeurs de l'Assomption. Il y avait une certaine rivalité entre
                            les deux communautés: pour nous, les soeurs grises ensei-
                            gnaient mieux... mais on n'avait pas de preuves!
                                Dans le village, il y avait une école privée tenue par les
                            Mlles Cartier, deux vieilles filles savantes. Les garçons qui
                            devaient aller au Séminaire de Nicolet allaient d'abord à
                            cette école, qui les préparait et leur sauvait une ou deux années
                            de collège. Plus tard, deux de mes frères et mon mari ont
                            profité de cette école.
                                Le voisin de notre cousin Jules Morvan était le notaire
                            Blondin, qui avait une très belle propriété et surtout une belle
                            famille. Sa femme, très aristocratique, était sourde; lui, le
                            notaire, n'était pas gênant. Us avaient deux garçons (dont un a
                            été député à Ottawa et ministre aussi, peut-être, je ne me rap-
                            pelle pas), de même que quatre filles. La plus âgée, Amilie,
                            était organiste, et pas une apprentie! Nous avions un orgue de
                            qualité et Amilie Blondin le faisait valoir. La deuxième, la
                            grande Anna, était une cantatrice merveilleuse! Dans ce
                            temps-là, le choeur de chant était mixte et aux grandes fêtes,
                            la voix de la grande Anna, accompagnée de l'orgue, nous fai-
                            sait tressaillir jusqu'au bout des orteils! Les deux autres fiUes
                            étaient cantatrices aussi. Tous les dimanches, après le ser-
                            mon, il se chantait un cantique, et parmi ces anciens canti-
                            ques, il y en a d'inoubliables! L'organiste Émilie a marié un


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