Page 59 - monseigneur
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Tadore) ; l'ancêtre devait s'appeler Théodore. Il y en avait un
                                 lot de Verville dans le rang! Là, le chenail était étroit et à sec
                                 en été. Au printemps, quand l'eau montait, les Verville de-
                                 vaient venir se réfugier au rang du Petit Chenail, chez l'oncle
                                 de mon mari, habituellement. Ils n'étaient pas les seuls à
                                 déménager: chaque famille trouvait refuge chez des amis. Un
                                 printemps, un petit Verville est tombé à l'eau et s'en allait à la
                                 dérive. Sa robe le protégeant, il flottait. Mon mari, qui
                                 nageait comme un poisson, est allé le chercher et l'a ramené
                                 sain et sauf. Plus tard, ils ont fait une «dompe »(un gué) avec
                                 des roches mêlées à la terre pour permettre aux voitures de
                                 traverser quand l'eau tardait à se retirer. Il devait y avoir un
                                 bac aussi, mais je ne m'en rappelle pas. On traversait plus ou
                                 moins bien sur cette dompe. Il y avait de l'eau jusqu'aux
                                 moyeux des voitures. Nous avions peur de verser, mais les
                                 chevaux connaissaient le chemin et notre peur se dissipait.
                                 Mme Yerville n'avait qu'une fille, qui a été ma seule amie; les
                                 autres enfants étaient tous de beaux garçons. Dora, c'était son
                                 nom, est morte jeune. Je venais de me marier, j'attendais mon
                                 premier bébé. Chez elle, où je suis allée souvent, nous étions
                                 tranquilles, loin des voisins. Il y avait des vignes sauvages tout
                                 le long de la clôture du jardin, qui donnaient du raisin bleu très
                                 délicieux. Mme Yerville, née Chapdelaine (les Charlette),
                                 avait fait ses études au couvent de Saint-Vincent-de-Paul (près
                                 de Montréal) où son oncle était curé. Dans ce temps-là, du
                                 Petit Chenail à Montréal, le voyage se faisait en voiture, sur la
                                 glace en hiver. Elle m'a raconté souvent qu'à partir des
                                 Sourdes-Muettes (l'Institut), sur la rue Saint-Denis, c'était le
                                 bois. Le voyage jusqu'à Saint-Vincent-de-Paul se faisait en
                                 diligence, voiture à deux chevaux. Ce couvent existe encore.
                                 Comme je l'ai dit, la rivière Saint-François. au village, lon-
                                 geait Pierreville et laissait plus de terrain de notre côté, ce qui
                                 faisait que des maisons étaient construites dans ce bas de côte.
                                 Elle continuait ensuite jusqu'au bout du rang de la Grande


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