Page 60 - monseigneur
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Terre. Là, elle revenait près du grand chemin et zigzaguait
                             encore en laissant des bras d'eau qui entraient dans les terres
                             et formaient des îles.
                                 En 1896, l'année de la «grande eau haute », l'eau avait
                             envahi toutes les maisons du bas du Petit Chenail. Les habi-
                             tants avaient fait des plates-formes dans le haut de leurs bâti-
                             ments pour y placer leurs animaux. Ils allaient les soigner en
                             chaloupe. Nous n'avions pas cet inconvénient chez nous, mais
                             cette année-là, l'eau avait monté tout autour de la maison.
                             Nous avions un «flatte» pour les sucres et nous le tenions
                             attaché après la clenche de la porte de la cuisine. Les hommes
                             s'en servaient pour aller aux bâtiments soigner les animaux et
                             tirer l'eau du puits. C'était un beau spectacle qui nous tenait
                             occupés jour et nuit. Heureusement que ça ne durait que quel-
                             ques jours. Cette année-là, nous avons vu un chaland qui est
                             venu dans le chenail ramasser des billots qui étaient sortis de
                             leur entourage. L'eau est restée assez longtemps dans le bas de
                             côte; le soir, nous allions faire des tours de chaloupe. L'eau
                             était calme et nous avions plusieurs accordéonistes parmi nos
                             camarades qui nous accompagnaient; c'était très agréable.
                             Nous. les vieux maintenant, nous avons la nostalgie de ces
                             choses-là. Nous n'appelions pas ça de la misère, c'était nor-
                             mal. À tous les printemps, nous nous préparions pour le pire!
                                 Le bac, près de chez nous, était conduit par un de nos
                             voisins, le bonhomme Simon (Pépin). Un petit homme vif
                             avec un «pinch »(une barbiche). Sa femme, Véronique, était
                             grosse; nous la nommions La Grosse. Leur voisine, la vieille
                             Vitaline (pas si vieille que ça), était sa soeur et pour nous, elle
                             était vieille. Leurs deux maisons se touchaien t presque.
                             Simon, qui n'avait pas d'enfant, élevait un des etits-fils de la
                             Vitaline alors que celle-ci élevait deux de ses petits-enfant  u.n
                             garçon et une fille, enfants d'une de ses filles ui était ve !,le.
                             Ceux-ci venaient à l'école avec nous. Nous nous de andions
                             de quoi ces gens vivaient; ils avai nt juste chacun un   r' nd


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