Page 36 - monseigneur
P. 36

chaque côté. Les plus âgés aidaient ma mère à faire aller ce
                             berceau. Si nous adoptions un certain rythme, ce n'était pas
                             trop fatigant, et adieu à la planche à laver, une vraie ruine (fa-
                             tigue excessive). Plus tard, ça s'est amélioré; un moulin à bras
                             avec un tordeur (essoreuse). C'était moins fatigant et ma mère
                             était contente de ne plus tordre le linge à la main, même si ses
                             grandes mains longues et fines valaient bien un tordeur! Les
                             draps et couvertures d'hiver étaient lavés dehors, au prin-
                             temps, avec un battoir. (Nous avions un grand chaudron sus-
                             pendu au-dessus du feu dans la cour de la maison. Ce chau-
                             dron servait pour faire chauffer l'eau, faire le savon, aussi
                             pour la boucherie, pour échauder les cochons.) Mon père avait
                             fait un banc à la hauteur de la laveuse. Le linge était mouillé et
                             étendu sur ce banc, bien savonné, et ma mère le battait des
                             deux côtés, jusqu'ci ce qu'il soit net.
                                 Les draps de lin, les couvertures de laine et les draps
                             d'échiffes, ma mère tordait ça à la main et étendait ce lavage
                             sur les clôtures; la corde à linge n'aurait pas résisté, c'était
                             trop pesant. C'est dans ce temps-là qu'aurait dû se faire la
                             libération de la femme! Mais comment le pays se serait-il
                             bâti? Ces échiffes étaient faites de morceaux de vieux bas de
                             laine, de chaussons et de bons morceaux de vieilles couver-
                             tures de laine. Tout ça découpé en petits morceaux que nous
                             échiffions à la main et que ma mère cardait avec une paire de
                             cardes, à la main aussi. Ces cardes, des palettes de bois munies
                             d'un manche et de petites broches courtes mais raides, échif-
                             faient les bouts de laine. Il s'agissait de faire aller les palettes
                             l'une dans l'autre. Mon père faisait carder ça au moulin, en
                             même temps que la laine neuve. Ça faisait de bons draps
                             chauds, nuancés, moins salissants. Les couvertures de laine
                             pour les voitures d'hiver étaient faites de la même matière,
                             mais nous avions, pour les voitures, des robes de carriole; des
                             peaux de mouton cousues ensemble et teintes, ainsi que des
                             robes de peaux d'ours nous réchauffaient, car nous avions


                                                           41
   31   32   33   34   35   36   37   38   39   40   41