Page 140 - monseigneur
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petit et maigre: «Fais-toi aller, petit aigrefin! » Ma mère,
qui ne s'occupait pourtant pas de politique, s'est fâchée rouge
quand ceux-ci (les rouges) sont venus faire leur tournée de vic-
toire dans notre rang. EUe leur a crié elle aussi: «Mangez de
la m... ! » Nous avons bien ri, mais nous avions le feu quelque
part !
Un aspect de la politique qui n'a pas changé, c'est le patro-
nage, les vire-capots, les vendus! Dans les campagnes, ils
étaient connus: c'était toujours les mêmes. Je pense que c'est
enCOre pareil, puisque tout le monde se connaît.
Après cet intermède, je dois commencer à parler un
peu de mon temps de jeune fille d'âge à avoir des cavaliers!
Avec ma gêne, ce n'était pas facile; j'évitais plutôt de rencon-
trer les garçons! Oh ! j'aurais voulu, mais, comme dans la
chanson, je ne le pouvais pas. Dans les veillées, si je voyais
venir un garçon qui pouvait m'inviter à danser, je baissais la
tête ou je regardais ailleurs. Mon premier cavalier, un petit
jeune homme, fils d'habitant, était aussi gêné que moi. C'est
ma soeur qui l'introduisait dans le salon et quand elle s'aper-
cevait que ça ne parlait plus, elle arrivait et relançait la con-
versation ! Il est peut-être venu deux fois, ça n'a pas été long.
Ensuite, ç'a été la même chose avec un autre fils d'habitant.
Ce n'est pas gue je les dédaignais, mais c'est l'ouvrage d'habi-
tant qui me rebutait! Travailler comme ma mère, je ne m'en
sentais pas le courage ni la vocation.
J'ai eu un autre petit flirt avec un cousin. Ce n'était pas
sérieux, mais c'était de l'amour tout de même. Mon futur
mari fréquentait, dans le même temps, la soeur de ce cousin.
On aurait conseillé à mon cousin d'aller voir peut-être une
autre fille que moi, supposément plus avantageuse à fréquen-
ter. Ses parents, des habitants, passaient pour être en
moyens! Je la connaissais, elle était gentille mais pas très
jolie. Ce conseiller étant très écouté dans sa famille... nos
rencontres ont fini là. Il n'y a pas eu de drame. J'ai toujours
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