Page 141 - monseigneur
P. 141

été pour l'indépendance! En même temps et pour la même
                                raison, Upton Maher et moi, nous nous sommes retrouvés à
                                peu près dans la même situation. Upton continuait ses visites
                                chez mon oncle, mais il avait son idée. Moi, j'avais un autre
                                cavalier sérieux. Dans sa famille, le plus vieux des garçons (il
                                n'y avait qu'une fille) a appris le métier de boulanger. Les
                                deux garçons suivants, Armand et Déus, s'en sont allés à
                                Montréal où un de leurs oncles était briqueleur (poseur de
                                briques dans la construction). Ils ont appris le métier, qui était
                                un bon métier, et s'il y avait du chômage l'hiver, ils revenaient
                                chez eux. C'est ainsi qu'Armand m'a fréquentée, un ou deux
                                hivers. Il était blond, assez joli et le meilleur garçon du mon-
                                de. Ce que je n'aimais pas, c'est que je trouvais qu'il se lais-
                                sait innuencer, et moi, ça me fâchait, surtout qu'Upton, ayant
                                rompu avec ma cousine, était chez nous tous les soirs. Il faisait
                                exprès, si nous veillions au salon et lui dans la cuisine avec
                                mes parents, de demander à Armand, vers les 9 heures et
                                demie: «Germain (c'est comme ça qu'il l'appelait), t'en
                                viens-tu? » Comme celui-ci demeurait au bout du rang, ils
                                faisaient donc le trajet ensemble. Seulement, quand il était
                                sorti du salon, l'autre n'était plus pressé et il le faisait poireau-
                                ter une bonne secousse dans la cuisine. Je l'aurais battu et j'en
                                voulais à Armand de se laisser faire, mais j'avais toujours
                                cette gêne, barrière infranchissable! C'est moi qui aurais
                                mérité d'être battue! Quand Armand est retourné à Mont-
                                réal, nous avons correspondu un peu, mais impossible pour
                                moi de l'aimer d'amour. Il s'en est allé à Detroit et n'est
                                jamais revenu au Petit Chenail.
                                    Pour moi, la première fois que je suis venue à Montréal,
                                avec ma soeur et un de mes frères, nous sommes d'abord
                                allés à Saint-Lambert, chez mon oncle Tanguay. Celui-ci
                                nous a conduits en ville, au parc Dominion et au cinéma Cris-
                                tal, sur la rue Saint-Laurent. Nous sommes restés une couple
                                de jours à Montréal, chez Mme Labelle, qui demeurait à


                                                             146
   136   137   138   139   140   141   142   143   144   145   146