Page 142 - monseigneur
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Sainte-Cunégonde, dans une ruelle. Il faisait tellement chaud
                             que nous n'avons pu dormir. Ç'a été notre étrenne de la ville.
                             Je devais avoir 18 ans.
                                 Dans le temps, c'est mon frère aîné, marié, qui demeurait
                             à la maison, l'hiver. Je disais à ma belle-soeur: «Moi,
                             j'aimerais un mari fort, aux cheveux noirs et aux yeux noirs, et
                             indépendant: un vrai homme! » Ma belle-soeur me disait:
                             «Tu as trouvé en plein ce que tu souhaitais! » Durant cette
                              fréquentation avec Armand, mon futur mari, qui continuait
                             à défier ma tante et fréquentait encore ma cousine, avait
                             combiné une sortie. Alors, il avait emmené Armand avec lui,
                             car il y avait une autre cousine à caser. Et moi, la dinde, je les
                             avais accompagnés! Une veillée chez mon oncle, c'était bien
                             correct! Une fois rendus au salon, Upton a veillé avec ma
                             cousine et Armand avec la soeur de celle-ci, Marie-Rose
                             qu'elle s'appelait, et moi! ! ! J'en suis encore indignée. Trop
                              niaise, c'est le mot, pour n'avoir pas prévu ça, et Armand, la
                              même chose pour lui (il était bien mal à l'aise). Upton
                             avait-il des intentions machiavéliques à notre égard ? .. Ça
                             crevait les yeux!
                                 Et puis je me suis trouvée sans cavalier et lui a cessé d'aller
                             voir ma cousine. Il commençait, non à me faire des avances,
                             mais à me porter plus d'intérêt, ce qui a fait que j'ai com-
                             mencé à m'ouvrir les yeux!
                                 La soeur et les frères d'Armand, ainsi que leurs parents,
                             n'étaient pas gênés, mais un peu sauvages. Ils visitaient sur-
                             tout chez nous, les garçons étant de l'âge de mes frères; et
                             moi, ma seule amie était leur soeur. L'hiver, ils venaient à
                             l'école en voiture (bob-sleigh). Ils 'avaient un cheval tranquille
                             qu'ils appelaient «Je blond ». Rendus à l'école, ils le remet-
                             taient dans le chemin et il retournait seul à la maison.
                             Armand m'avait fait faire un tour de voiture (c'était la mode)
                             avec «le blond ». Celui-ci, rendu en haut de la côte chez
                             Moïse Boudor, a fait le tou r de la maison et nous som mes


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