Page 126 - monseigneur
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mon père avait des dettes et que mon frère allait au séminai-
                              re, c'était une bien bonne affaire pour nous. Le marché s'est
                             conclu, et nous avons vu charroyer tous ces pins. Ça nous fai-
                             sait mal au coeur! Cependant, ils ne nous étaient pas utiles
                             dans le bois, ils avaient fini leur croissance et ça faisait si bien
                             l'affaire de mon père. Ça s'est tassé, il n'y a pas eu de drame.
                             Et ça a facilité les choses, puisque moi aussi je voulais aller au
                             couvent.
                                 C'est pendant mes dernières vacances, avant d'aller au
                             couvent, que j'ai beaucoup fréquenté la soeur de ma future
                              belle-soeur. Elle était âgée (pas vieille) et avait toujours
                             demeuré au presbytère de son oncle, le futur Mgr Saint-
                             Germain, qui était curé, dans le temps. Elle s'était mariée avec
                              un Desmarais (les Tréné), pêcheur et chasseur; du bon
                              monde. Son mari, franky, avait appris le métier de cuisinier
                             aux États. L'été, il s'engageait au loin, et les autres de la
                             famille s'en alJaient aux cabanes, c'est-à-dire à des chalets
                              pour les pêcheurs. Elle restait seule à la maison avec ses trois
                             jeunes enfants. Cette personne, Régina, m'était sympathi-
                              que; nous avions plaisir à parler ensemble. Je lui apportais le
                             journal L'A clion catholique, que nous recevions, et nous col-
                              lions des poésies et d'autres articles de la page féminine. Le
                              temps passait agréablement pour nous deux. Chez nous, ma
                             grande soeur chicanait un peu; elle trouvait que je me sauvais
                              du travail de la maison (ce qui était un peu vrai), mais je ne
                              leur manquais pas tant que ça. Ma soeur disait: «Laisse
                              faire r Quand tu te marieras, il faudra bien que tu fasses ton
                             ouvrage! »Je lui répondais: «En tous les cas, je n'irai pas te
                             chercher!» Ma grand-mère essuyait la vaisselle à ma
                              place, quand ça allait trop mal. Elle avait du mérite car je pen-
                             se qu'elle non plus n'aimait pas beaucoup cette corvée de vais-
                             selle. Si je n'étais pas chez Régina, j'avais attrapé un roman et
                             j'étais partie avec. Dans ce temps-là, lire des romans... nous
                             étions des filles perdues' Je risquais gros... mais je me sauvais


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