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NOTRE COMMUNAUTÉ, NOS INSTITUTIONS
De nouveaux projets que le reste de l’étoffe », proclament-ils. Ce point de
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vue ne fait pas l’unanimité, cependant. La majorité des
Les initiatives de H.-P. portent fruit. À l’AGA de membres est d’avis que notre français doit évoluer à
janvier 1924, les progrès sont notables dans tous les l’ombre des bons auteurs de la mère patrie .
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domaines : effectif en hausse, visibilité accrue dans
les journaux, création d’une chronique dans Le Droit , Affirmer la place du français au pays est un autre
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production de nombreuses fiches. L’avenir s’annonce mandat que se donne l’Association. Un décret de 1890
prometteur.
porte sur la langue anglaise au Canada et un ouvrage
de référence, cité dans ce décret, fait autorité en la
Le bureau de direction, réélu au complet, se donne matière. En outre, l’Imprimeur du Roi a publié un
des objectifs encore plus ambitieux. Son président voit répertoire d’environ mille mots dont l’orthographe est
l’ATLFO comme l’équivalent de la Société du parler obligatoire dans les publications officielles . Du côté
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français au Canada dans le domaine de la traduction. français, il n’y a rien de tel. L’ATLFO entreprend donc
Il propose de publier un lexique de termes techniques des démarches pour qu’un décret similaire soit pris en
non consignés ailleurs . Quelle carte de visite ce serait faveur du français et que soit dressée une liste de mots
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pour l’Association!
français propres au Canada.
Convaincu que l’ATLFO peut aussi intéresser les L’organisme souhaite aussi se faire reconnaître
anglophones, H.P. souhaite les inviter à en devenir comme l’instance suprême en matière de traduction
membres, une façon de gonfler son effectif, de garnir de l’anglais au français au sein de l’administration
ses coffres et d’atteindre plus sûrement ses objectifs. fédérale . Le cas échéant, l’ATLFO serait appelée à
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L’idée est bien reçue et une section de langue anglaise se prononcer sur toute question relative à la langue.
est formée en septembre . En peu de temps, on atteint Le prestige qu’elle en retirerait se répercuterait
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la centaine de membres.
assurément sur les traducteurs et leur statut.
Les questions langagières et le statut du traducteur Dans le contexte de l’administration fédérale,
sont les thèmes privilégiés des causeries. Sujet promouvoir la reconnaissance du français équivaut en
clivant s’il en est, la langue se prête à des discussions quelque sorte à reconnaître le travail du traducteur. À
passionnées lors des assemblées, tandis que la partir de 1920, presque tous les ministères disposent
promotion du statut du traducteur, sujet moins d’un service de traduction. Idéalement, ces postes
explosif, gagne en importance et trouve un puissant devraient être occupés par des titulaires rémunérés en
défenseur en l’ATLFO.
fonction de leurs compétences et des attentes à leur
Langue et traduction endroit. La difficulté du travail de traduction n’est
cependant pas reconnue, déplore l’ATLFO, qui milite
Une question ne tarde pas à se poser : quelle variété de pour que la traduction soit vue comme une carrière en
français faut-il défendre? À l’époque, le français parlé soi et non comme un emploi de passage .
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au Canada est souvent qualifié de « patois », jugement
qui, colporté par des ignorants, en agace plus d’un. L’ATLFO à l’honneur
Une partie des membres estiment que le français du En 1925, le travail abattu dans l’ombre depuis la
Canada gagnerait à affirmer sa liberté et à enrichir fondation donne des résultats concrets. Le comité du
son lexique en puisant à des sources canadiennes. lexique obtient les fiches commençant par la lettre
Notre français, font-ils valoir à la tribune de l’ATLFO, A d’une quinzaine de membres, les uniformise et
devrait faire une bonne place aux canadianismes et commence à publier son lexique par tranches dans Le
aux anglicismes qui expriment notre réalité. Pourquoi Droit . Les lecteurs ont ainsi un aperçu du produit
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attendre que l’Académie française et les dictionnaires
nous « autorisent » à utiliser tel ou tel mot? « Dans le 9 « Chronique de l’Association technologique », Le Droit, 27 janvier 1924,
drap d’or de la langue […], notre écheveau vaut autant p. 6.
10 Jean Delisle et Alain Otis, op. cit., p. 363-364.
11 « Fondation d’une annexe anglaise à l’Association technologique », Le
6 « Chronique de l’Association technologique » paraît irrégulièrement de Droit, 13 octobre 1924, p. 8.
décembre 1923 à juin 1924. 12 « Ottawa Technological Ass’n », The Citizen, 1 mars 1924, p. 6.
er
7 « Improving Knowledge of French », The Citizen, 25 février 1924, p. 16. 13 « Discuss Status of French Translator », The Citizen, 31 mars 1924, p. 5.
8 « Attracting Interest of English-speaking », The Citizen, 9 octobre 1924, 14 « Le Lexique de l’Association technologique », Le Droit, 26 mars 1925,
p. 8. p. 4.
LE CHAÎNON, ÉTÉ 2021 71