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VISAGES
Est-ce un hasard si ses deux garçons portent les
prénoms de Godard et de Truffaut ?
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Dans le mini-studio qu’il aménage chez lui, le
compositeur crée avec un synthétiseur des trames
sonores et fait des mixages pour ses amis cinéastes.
Toutes ses activités artistiques, si gratifiantes soient-
elles, ne lui permettent pas, cependant, de mettre du
pain sur la table : on ne peut pas vivre d’art et d’eau
fraîche. Pour remplir le garde-manger, il tire alors une
autre flèche de son carquois : son bilinguisme. Comme
bien des Franco-Ontariens, il a cet atout en réserve
dans son jeu. Le marché de la traduction étant alors
florissant à Toronto, il va frapper à la porte d’agences
de traduction et trouve du travail.
En cabine
De fil en aiguille, il passe de la traduction à
l’interprétation. L’année 1978 marque les débuts de
sa carrière d’interprète de conférence. Avantage non
Jean Marc Larivière et Nana Gleason pour Divine solitude, 1986.
Source : collection personnelle J. M. Larivière. négligeable, cette profession lui laisse du temps libre
pour s’adonner à sa passion : le cinéma.
en physique. La nouvelle physique l’attirait, car elle
« se rapproche des arts méditatifs et des philosophies L’interprétation simultanée est « un genre de yoga
orientales », dira-t-il. de l’esprit », dit-il. La très forte concentration
qu’exige la pratique de ce métier « relève presque de
À l’école secondaire, il avait été l’un des premiers à la méditation ». C’est une forme d’abandon de soi,
choisir l’option théâtre. À l’université, après avoir comme toutes les pratiques méditatives orientales
réalisé une mise en scène remarquée, il accepte l’offre qu’il affectionne. Décrocher de son ego, s’oublier pour
de travailler en théâtre, ce qui l’oblige, en 1976, à faire être davantage soi est d’ailleurs un thème qui innerve
une pause d’un an dans ses études. Cette décision va sa production artistique.
changer radicalement le cours de sa vie.
L’interprétation satisfait aussi sa curiosité intellectuelle
Le hasard a voulu, en effet, qu’en montant un héritée à la fois de sa mère, institutrice, et de son père,
spectacle multimédia et en maniant une caméra 16 mm entrepreneur en construction. En cabine, « j’ai toujours
pour la première fois, il attrape la piqûre d’animer l’impression, confie Jean Marc Larivière, d’être soit
des scénarios avec des images et du son. Il participe à l’université, soit au cœur de l’actualité politique,
à de nombreuses productions cinématographiques sociale ou économique. » Depuis plus de quarante ans,
étudiantes à l’Université Ryerson et met en pratique il enchaîne les conférences sur la musique, la
sur les plateaux ce que ses amis apprennent dans leurs comptabilité, la médecine, les négociations syndicales
cours de cinéma. C’est par osmose qu’il se familiarise ou les congrès de vendeurs d’aspirateurs.
avec la mécanique du tournage et perce les secrets du
métier de réalisateur . Si, pour exercer le métier d’interprète, il faut décrocher
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de soi, il n’est pas toujours facile, de retour à la
Dans les cinémas de répertoire de Toronto, Jean Marc maison, de décrocher de l’interprétation. En écoutant
se nourrit et s’inspire des films de Jean-Luc Godard, les bulletins de nouvelles à la télé, il se surprend
François Truffaut, Robert Bresson (l’un des plus grands parfois à interpréter ce qu’il entend et cela lui arrive
du cinéma, à ses yeux), Marguerite Duras, Alain même dans ses rêves. Déformation professionnelle.
Resnais, Frederico Fellini et Michelangelo Antonioni.
2 Marie-Élisabeth Brunet, « Entre le yin et le yang », Liaison, n 68, 1992, 3 Ses deux fils et leur sœur aînée, Julie, sont nés d’une première union,
o
p. 35-37. avec Sylvie Lacombe.
58 LE CHAÎNON, ÉTÉ 2021