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NOTRE COMMUNAUTÉ, NOS INSTITUTIONS
fille à naître sur le territoire. Bref, une
femme importante a donné son nom au petit
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village .
Deux autres villages entourent Janeville :
l’agglomération de Clandeboye et le
village de Clarkstown. Tirant son nom
d’un domaine irlandais de lord Dufferin,
Clandeboye se situait à l’est de Janeville et à
l’ouest de l’église Notre-Dame de Lourdes.
Ce regroupement d’habitants n’obtint jamais
son statut de village et fut rapidement
annexé à Janeville. Pour sa part, Clarkstown
se retrouve au nord de Janeville et aurait été En 1969, le maire d’Eastview, Gérard Grandmaître (à droite) fait renommer sa ville Vanier
nommé en l’honneur d’un certain M. Clark en l’honneur du premier gouverneur général francophone du Canada, représenté devant
qui habitait près du cimetière Beechwood. ce panneau par sa veuve, Pauline Vanier (à gauche).
Les deux villages sont très semblables et C’est sous son deuxième mandat que l’idée de
très différents à la fois. Divisés par des champs de changer les noms des rues se concrétise. Dès 1943-
pâturage, les deux communautés évoluent séparément 1944, quelques résidents présentent des pétitions au
autant économiquement que culturellement et conseil municipal pour changer le nom de leur rue
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socialement. Les colons qui viennent s’établir dans sans pourtant qu’il y ait de suivis sérieux . Il faut
la région choisissent soit Janeville pour son caractère comprendre qu’en cette deuxième moitié du XX siècle
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plus anglophone et ses liens commerciaux avec les qui s’amorce, c’est toute l’infrastructure de cette
marchands de la rue Rideau, soit Clarkstown pour son ville qui doit être construite : des rues aux égouts,
caractère francophone et ses liens avec les gens de la des poteaux d’électricité aux fils téléphoniques, en
Basse-Ville. passant par un réseau d’eau courante. Et cette vaste
réorganisation engendra un nouveau questionnement
Janeville et Clarkstown forment Eastview dans cette communauté bilingue : quelle place réserver
au français et à l’anglais?
En 1909, ces deux entités très distinctes sont réunies
pour former le village d’Eastview, tout en continuant La question du changement des noms de rues fait
de constituer la base des séparations religieuses et réellement surface suite à une demande envoyée au
linguistiques encore présentes aujourd’hui . Ce nom conseil municipal par le directeur du service postal en
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d’Eastview, très terre-à-terre, fut choisi pour désigner 1946, pour régler le problème de dédoublement des
sa situation géographique par rapport à la capitale : à noms avec des rues à Ottawa . Ceci déclenche de vifs
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l’est d’Ottawa. débats entre les conseillers et le maire, car ce dernier
en profite pour changer 54 noms de rue, beaucoup
Le village continue de grandir durant les années
1910 et 1920. Il obtient le statut de ville et élit son plus que le nombre demandé par le bureau de poste.
premier maire en 1912. La Grande Dépression frappe Mais ces changements sont révélateurs de la volonté
durement cette nouvelle ville composée de petits du maire de rendre sa ville plus représentative de
commerçants et d’ouvriers des usines d’Ottawa. C’est la population francophone qui grandit. En effet, des
à cette époque qu’entre en scène l’homme d’affaires 54 noms changés, 45 portaient à l’origine un nom à
Donat Grandmaître, qui sera maire de la ville consonance anglaise. Après les changements, 39 rues
d’Eastview pendant 15 ans, de 1933 à 1936 et de 1937 porteront des noms francophones. De ces 39 nouveaux
à 1948, et jouera un rôle de premier plan dans l’essor noms, 35 passaient d’un nom anglophone à un
d’Eastview . nom francophone, révélant ainsi assez clairement
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les intentions de francisation du maire Donat
Grandmaître.
2 Andrée Bourassa, Lorraine L. Monette et Denis P. Régimbald. La petite 5 Archives de la Ville d’Ottawa, procès-verbaux du Conseil municipal
histoire de Vanier, Ottawa, O.V.U.L, 1975. d’Eastview de 1943 à 1948 (arrêtés municipaux, débats, pétitions,
3 Laporte, op. cit. annexes).
4 Ibid. 6 Ibid.
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