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70 LA COLONISATION DANS QUEBEC
toujours grandissante des colonies anglaises qui n'attendent que l'occa-
sion favorable pour se lancer sur le Canada (1).
Dès 1716, Vaudreuil jette le cri d'alarme: "Il faut empêcher, écrit-il
au duc d'Orléans, régent du royaume (2), une nouvelle guerre avec les
Anglais. Leur intention est de s'emparer du Canada; ils ont 60,000
hommes en état de porter les armes, tandis que la Nouvelle-France n'en
a que 4,484; les 28 compagnies forment en tout 628 soldats." Il deman-
dait des habitants, des colons. Il fallait porter à 1500 hommes les
troupes régulières, fortifier Québec et Montréal. Si l'on eut écouté
ces sages avis et envoyé quelques milliers de bons colons s'établir sur les
terres fertiles de la vallée du Saint-Laurent; si, au lieu de rêver une colonie
de fonctionnaires et de marchands de fourrures, on eut consenti à faire
les dépenses nécessaires pour attach~r au sol de véritables colons et en
faire des agriculteurs, la Nouvelle-France eut vu grandir sa population
aussi rapidement que celle des colonies anglaises pendant ces années de
paix et de tranquillité; "mais c'était l'époque de la funeste et dispen-
dieuse légèreté de M. le Régent; on gaspillait en quelques soupers fins
des sommes qui eussent doublé les forces de nos colonies; on préludait
aux ruineux désordres du règne de Louis XV" (3).
On se contenta d'envoyer à Vaudreuil quelques engagés, des soldats,
des braconniers, des faux-sauniers, des criminels qu'on tirait des prisons
du royaume, des jeunes libertins, dont les parents ne savaient
que faire; quant à fortifier Québec et Montréal, on lui répondit que la
chose ne pressait pas. Pourtant la lutte était déjà engagée sur les fron-
tières de l'Acadie. Les Anglais venaient d'assassiner le missionnaire
des Abénaquis, le Père Rasle, et prétendaient assujettir à leur domina-
tion ces fidèles alliés de la France (1724).
Ils s'implantaient sur le territoire des Cinq-Cantons, en élevant le
fort de Chouagen, sur la rive du lac Ontario, vis-à-vis le fort Frontenac
(1727), ils lançaient les Renards, contre les établissements français des
Illinois et s'emparaient de Louisbourg (1745).
Le traité d'Aix-la-Chapelle (1748), qui rendit à la France Louisbourg
et l'Ile du Cap-Breton, ne fut qu'une suspension momentanée dans
l'invasion méthodique du territoire français; elle ne s'arrêtera définitive-
ment que sous les murs de Québec, en 1759. .
La Galissonnière jette de nouveau le cri d'alarme en 1750, "Tandis
que la paix, disait-il, paraît avoir comme assoupi la jalousie des Anglais
en Europe, elle éclate dans toute sa force en Amérique; et si on n'y
oppose dès à présent des barrières capables d'en arrêter les effets, cette
nation se mettra en état d'envahir entièrement les colonies françaises
au commencement de la première guerre. Il faut donc se déterminer
(l)-"Les Anglais ont toujours l'idée de se rendre maltres de l'Amérique septentrionale, persua-
dés que la nation d'Europe qui en sera la maltresse le sera par la succession des temps, de toute
l'Amérique, parce que c'est dans cette partie seule que les hommes vivent en santé et y produisent
des enfants forts et robustes. Ils travaillent à se préparer des alliances avec les sauvages du continent
pour nous en chasser à la première guerre". Mémoire sur la rivalité des Anglais pour le commerce dans
les postes d'en Haut. Décembre 1726. A.C.C.G., Canada, Vol. 48, fol. 441.
(2)-A.C.C.G. Canda, 1713-1714. Vol. 34, fol. 177.
(3}-Rnmeau, La France aux colonies, 2ème partie p. 58-59.