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SOUS LA DOMINATION FRANÇAISE                           41

          Comment réagir contre les coureurs des bois.    On s'y emploie de
     diverses manières.   Il serait fastidieux d'énumérer les ordonnances que
     l'on fait contre eux, à partir de 1672 (1).    En somme la répression
     est plutôt molle.  "Si elle devient trop rigoureuse, ne reste-t-il pas aux
     coureurs des bois un moyen d'échapper.     Ils n'ont qu'à ne pas revenir
     dans la colonie, qu'à se rendre indépendants. Quant à leurs pelleteries,
     ils savent que les colonies anglaises les réclament (2).     Louis XIV
     ·se résigne à pardonner, à proclamer une amnistie plénière avec un si
     complet effet rétroactif qu'elle fait rembourser les amendes (3).  Comme
     il importe moins d'empêcher la traite que de restreindre le nombre des
     traiteurs, on imagine le système des congés" (4).      Ces congés sont
     une permission accordée chaque année à vingt-cinq canots         équipés
     ·de trois hommes chacun, d'aller traiter avec les sauvages.     Ils SORt
     ,donnés, moyennant une solde de 250 livres, à des gentilshommes pauvres,
     à des veuves qui peuvent les trafiquer à des voyageurs. Le revenu de la
     vente de ces congés allait partie au Trésor et partie en gratification aux
     familles des officiers besogneux (5).   Les coureurs des bois n'en con-
     tinuèrent pas moins leur trafic illicite.
          Nous verrons bientôt qu'ils mirent de nouveau la colonie aux prises
     :avec les Iroquois et   l'entrainèrent peu à peu dans la lutte avec les
     ·colonies anglaises.
          La conséquence immédiate de ces courses lointaines qui se prolon-
     :gent parfois au-dela de trois ans, c'est que la population augmentè à
     peine, c'est que les terres ne se défrichent pas (6).  On reste étonné
     ·de constater par le recensement de 1685 qu'il n'y a dans toute la
     colonie que 24,390 acres de terre en culture (7).      C'est à peine ce
     ,que renferme une de nos bonnes paroisses d'aujourd'hui.
         En 1672, le roi par arrêt du conseil d'Etat (8), avait réduit de
     moitié les seigneuries qui n'avaient pu être défrichées, à cause de leur
     trop grande étendue.   En 1675, il réitère le même arrêt (9).     Enfin
     .en 1679, il constate d'après la déclaration de Duchesneau "que la plus
     grande partie des concessions faites en Canada était demeurée inutile
     aux propriétaires, faute d'hommes et de bestiaux pour les défricher
     €t les mettre en valeur".  En conséquence, Sa Majesté déclare le quart

          (1)-Edits et Ordonnances, Vol. l, p. 86, 105.230,248.
          (2)-Les Anglais font valoir le castor qu'on leur porte à Orange et ailleurs plu~ d'un tiers qu'au
     'bureau de la Ferme de Votre Majesté et qu'ils le paient ordinairement en piastres. sans faire toutes les
     .destinctions qu'on apporte ici, et que lorsqu'on veut de la marchandise, ils en donnent meilleur marchll
     .de moitié que nos marchands.  (Frontenac à Louis XIV, 2 nov. 1681.  A.C.C.a., Vol. 5, fol. 269.
          (3)-Edits et Ordonnances, Vol. l, p. 240.  '
          (4)-Salone, Colonisation de la Nouvelle-France, pp. 259-260
          (5)-ordonnance du 2 mai 1681, Collection M()reau de St-Méry, Vol. 178.
          (6)-Quant aux laboureurs qui s'appliquent avec assiduité il la terre, non seulement ils subsis-
     tent fort honnêtement, et sont sans comparaison plus heureux que ceux qu'on nomme en France les bons
     paysans, mais comme les esprits de ce pays prennent aisément l'essor et qu'ils ont beaucoup de l'humeur
     sauvage qui est légère, inconstante et ennemie d'un travail assidu, voyant la liberté qu'on prend si
     hardiment de courir les bois, ils se débauchent avec les autres et vont chercher des pelleteries pour avoir,
     moyen de vivre, sans rien faire et c'est d'où vient que les terres ne se défrichent pas, que les bestiaux
     ne se multiplient point comme ils devraient et qu'on ne peut établir ici aucune manufacture.  Duches-
     neau à Colbert, 10 nov. 1679.  A.C.C.a., V()l. 5, fol. 32.
          (7)-Recensement du Canada, 1871.  Vol. l, p. 17.
          (8)-Edits et Ordonnances, Vol. p. 70.
          (9)-ldem. p. 81.
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