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96 LA COLONISATION DANS QUÉBEC
ils étaient maîtres des avant-postes. Un dernier effort leur ouvrira.
les podes de la Nouvelle-France.
La situation paraissait si compromise à l'automne de 1758 que
Bougainville fut envoyé en France pour demander du secours. L'hiver-
s'annonçait comme devant être aussi terrible que le précédent. La
neige avait commencé à tomber dès le 4 octobre; la récolte avait été
insuffisante et une partie avait péri faute de bras pour la recueillir.
Les denrées les plus nécessaires à la vie étaient montées à un prix·excessif;
ainsi la livre de bœuf se vendait une livre, le lard, une livre 10 sols, le
beurre, 2 livres, le fromage, 6 sols, un mouton, 40 livres, un veau 60
livres, une paire de poules, 8 livres, de poulets, 6 livres, une douzaine
d'œufs, 2 livres. (1).
L'intendant avait décidé de réduire le peuple de Québec à un quar-
teron de pain par jour; quatre cents femmes s'étant rendues au palais
en signe de protestation, il accorda la demi-livre (2). "Misère affreuse
au gouvernement de Québec, écrit Montcalm, (3). On y ramène de
Lachine des farines destinées aux premières opérations de la campagne."·
"Les plaisirs, ajoute-il, malgré la misère et la perte prochaine de la
colonie, ont été des plus vifs à Québec. Il n'y a jamais eu tant de bals,
ni de jeux de hasard aussi considérables, malgré les défenses de l'année
dernière. Le gouverneur général et l'intendant l'ont autorisé." (4).
Montcalm s'exaspérait et son indignation n'était-elle pas légitime
quand on songe qu'au milieu de la détresse générale Bigot, et ses compli-
ces jouaient, dansaient et continuaient leurs malversations, en spéculant
sur les approvisionnements, les munitions, le blé que l'on enlevait de
force aux habitants? (5).
Les états de compte expédiés par l'intendant à M. Berryer, ministre
de la Marine, révélaient un état de choses stupéfiant. Bigot lui annon-
çait qu'il serait tiré pour 24 millions de lettres de change à la fin de 1758.
Il s'attendait, disait-il, à ce que le tirage des lettres de change pour 1759
serait de 31 à 33 millions.
Berryer lui adressa une lettre cinglante (6). "Il ne croit pas, dit-il,
qu'il n'y a jamais eu d'exemple d'une dépense aussi considérable ni de
la manière aisée avec laquelle il l'annonce, comme s'il supposait que
des fonds aussi considérables pouvaient se faire sans peine. Il n'y a
plus de bornes dans les dépenses du Canada, dont la progression, sur le
même nombre de personnes et les mêmes objets de dépense, double
presque tous les ans, sans qu'il paraisse y apporter d'autre attention
que celle de les payer. Quelles mesures a-t-il prises pour diminuer
ces dépenses? Quelles représentations a-t-il faites à M. de Vau-
dreuil pour supprimer celles dont on pouvait se passer? Où sont
les lettres qu'il a écrites à lui, à ses prédecesseurs pour détailler'
(l)-Journal de Montcalm, p. 472.
(2)-Journal de Montcalm, 2 janv. 1759, p. 492.
(3)-Journal de Montcalm, page 493.
(4)-Journal de Montcalm, 9 févr. au 12 mars 1759, p. 495.
(5)-Mémoires sur les affaires du Canada, p. 123-124.
(6)-A. C. Rég. des Dép. vol. 109, fol. 61. Le résumé ci-dessus de cette lettre se trouve dans·
a pport des archives pour 1905. Vol. I, p. 286.