Page 86 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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Puis,  sans  transition,  elle  demanda :
                                    - Es-tu  allé chez Narcisse  pour  ce  que  je  t'avais  demandé ?
                                    -J'y   suis  allé,  mais  il  n'était  pas  à  la  maison,  et  Alice  n'est
                                pas  au  courant.  II  est  très  occupé  depuis  qu'il  fait chantier  sur  la
                                Vilaine,  en  arrière  de  Saint-Jean-des-Buttereaux.  Sil  n'a  pas  de
                                malchance,  il  devrait  faire  un  bon  hiver.  Ses  deux  plus  vieux  tra-
                                vaillent  avec  lui.

                                    Longtemps  ils  parlèrent  des  parents  et  des  connaissances  de
                                La Morendière,  de  l'Anse-au-Sable  et des  autres  villages  qui  s'égrè-
                                nent le long de la route nationale.
                                    Le lendemain, un vent vif  du sud-ouest avait multiplié  ses gami-
                                neries,  décoiffant les toits,  dégarnissant les épinettes,  pelant  le crâne
                                des  buttes,  modifiant  les  formes créées  la  veille  par  la  bordée  pai-
                                sible.  Puis vinrent plusieurs jours  froids et ensoleillés.  Ici et là  dans
                                les forêts de résineux, le choc des haches et le bruit  strident  des scies
                                mécaniques  éclataient  dans  l'air  glacé  et  se  répercutaient  sur  les
                                montagnes  enneigées.  Les  hommes  travaillaient  avec  la  frénésie  de
                                condamnés  qui jouissent  de leurs derniers  jours  de liberté.
                                    Le  2  décembre  - c'était  un  mercredi  - un  appel  télépho-
                                nique de la femme de Narcisse  annonçait le décès d'Anthyme Savoie.
                                On  l'avait  trouvé  mort  dans  son  lit.  Embolie  avait  dit  le  médecin.
                                Les funérailles  furent fixées à samedi, pour  que les parents vivant  au
                                loin  puissent  y  assister.

                                    Tous  les  adultes  de  Terre-Haute  et  la  plupart  des  anciens  de
                                La  Morendière  et  des  paroisses  des  alentours  étaient  présents  au
                                service  funèbre.  Beaucoup  de têtes  chauves  et de cheveux  gris.  Il
                                y  avait  aussi des  enfants :  ceux  de  la  classe  de  Léonie,  la  fille  du
                                défunt, institutrice  à  l'école  élémentaire du village.
                                    Dans  les  premiers  rangs  de  l'assistance,  immédiatement  après
                                les  proches  parents,  un  homme  à  stature  imposante  portait  ostensi-
                                blement  un  luxueux  manteau  de chat  sauvage.  Louis-Philippe  avait
                                reconnu  le  député  du  comté  à  l'Assemblée  nationale.  Chaque  fois
                                que  meurt  un  ancien  laissant  une  parenté  nombreuse,  son  organi-
                                sateur local ne manque pas de l'en  informer.  Le politicien  avisé sait,

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