Page 89 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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elle lui tourna le dos et s':affaira à chercher  sur les tablettes  un jouet
                                   pour  la petite Marie-Josée:


                                       Vers onze heures, ils s'étaient engagés sur le chemin tortueux de
                                   la  montagne.  Ils  se  taisaient,  mais  leur  silence  était  brutalement
                                   interrompu  par  le crépitement  des pneus  cloutés  sur la  glace friable
                                   ou  par  le  grondement  du  moteur  dans  les  moutées  abruptes.  Ils
                                   avaient effectué ce  trajet  des  centaines  de fois,  indifférents  aux  im-
                                   prévus des sommets et  des détours.  Aujourd'hui,  ils découvrent  aux
                                   paysages des aspects nouveaux.  Marie  perçoit  avec une  lueidité  qui
                                   l'effraie  les  dangers  de  cette  route  qui  s'accroche  au  flanc  de  la
                                   montagne et longe des prkcipices dont le dénuement de L'hiver révèle
                                   la profondeur.  Quand la  voiture s'engage  dans des virages brusques,
                                   elle  frissonne  en  songeanit  que  l'autobus  scolaire  y  passe  matin  et
                                   soir.  Elle  se  rappelle  les  accidents  survenus  en  ces  lieux  au  cours
                                   des  années :  les  deux  jeunes  skieurs  ensevelis sous  une  avalanche,
                                   la  bagnole  de  Jules  Leblanc  fracassée  sous  un  éboulis  de  roc,  la
                                   voiture  d'un  visiteur  de  Montréal  qui  avait  passé  droit  dans  une
                                   courbe  et  s'était  écrasée  sur  un  arbre.

                                       Comme  pour  chasser  ces  images  déprimantes,  eue  posa   son
                                   mari une  question  simple, mais lourde de passé.
                                       -Tu   te  rappelles  notre  première  montée ?
                                       -Bien   stir, comme si c'était  hier !  Le chemin  était  alors  plus
                                   dangereux  et  si  étroit  par  endroit.  qu'on  pouvait  difficilement ren-
                                   contrer  une  autre  voitura.  Dire  que  ça  fait  déjà  trente-deux  ans !
                                   Un  rêve ...
                                       -Il   s'en  est  passé  des  événements  de  toute  sorte  depuis  ce
                                   lundi de juillet  1938.
                                       -C'est   rare,  reprit  Louis-Philippe,  qu'en  si  peu  de  temps  on
                                   voit naître, grandir et mourir un pays.
                                       -Un    bien  petit  pays,  pour  des gens  de peu  d'ambition  ...
                                       - Tu  regrettes ?
                                        Marie ne répondit  pas.  Pour  son mari, ce silence était un  aveu.
                                   Peu après,  elle dit laconiquement :

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