Page 22 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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Dans l'isolement de leurs collines, le dimanche les avait tou-
jours regroupés à l'église. Ils y faisaient une provision de courage
pour le reste de la semaine. Avant et après l'office, ils se retrou-
vaient par grappes, autour des voitures, quand il faisait bcau, dans
le portique ou à la sacristie les jours de grand froid ou de mauvais
temps. Les hommes parlaient de politique, bien sûr, mais aussi des
affaires municipales et scolaires, des événements survenus dans les
villages des alentours. Quant aux femmes, elles échangeaient des
propos sur les travaux saisonniers, tes émissions populaires de radio
et de télévision. Elles ne manquaient pas de s'informer des absentes,
surtout des jeunes filles qu'on ne voyait plus depuis quelque temps.
Dès qu'ils eurent fini de manger, Louis-Philippe alluma une
cigarette. C'est un caprice qu'il ne se permet que le dimanche ; les
autres jours, il se contente de sa bonne vieille pipe au fourneau
ébréché. La main gauche sous le menton, il observait les enroule-
ments capricieux de la fumée, comme s'il cherchait à y découvrir
des prévisions d'avenir. Quand le feu lui effleura les doigts, il écrasa
rudement le mégot dans le cendrier, puis il parla :
-La cloche sonnera peut-être une fois encore, mais ce sera
la dernière. Le glas d'un pays. L'annonce de la mort de Terre-
Haute !
En allant s'asseoir dans la grande berceuse, il fit la réflexion
suivante :
-Passe pour les jours de la semaine : il y a le travail ; mais,
sans messe, les dimanches seront terriblement longs cet hiver.
-On nous avait pourtant promis la présence d'un prêtre tous
les dimanches !
-On nous en a tellement fait de promesses depuis quelques
années. Celle-là, on peut la mettre avec toutes cellcs que les poli-
ticiens ont oublié de tenir !
-Tout de même ! répliqua Marie touchée au vif, c'est loin
d'être la même chose. On ne peut exiger qu'un prêtre s'occupe
d'une poignée de personnes quand il en manque pour le service
paroissial régulier.