Page 13 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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et  de  rires ; participante  assidue  aux  ceuvres  d'une  paroisse  dyna-
                                   mique.  Quand le départ des enfants eut rendu  la  maison silencieuse
                                   et  que  la paroisse  fut  entrée  en  agonie,  elle  s'était  retrouvée  seule
                                   dans  une  épaisse  solitude,  désemparée  comme  une  oie  sauvage
                                   perdue loin  du troupeau.  En  découvrant  avec stupeur  combien  ses
                                   sentiments de mère avaient  dominé ceux  de  l'épouse,  elle comprend
                                   mieux  la  froideur  de  son  mari  et  le  voile  d'indifférence  qui  s'est
                                   tissé  entre  eux.  Depuis  des  années,  leurs  deux  corps  ne  s'étaient
                                   retrouvés  que  pour  des  étreintes  sans  passion,  comme  s'ils  étaient
                                   à  jamais  dégoûtés  de  l'amour.

                                       Quant à Louis-Philippe, il reste accroché  au  présent,  hanté par
                                   les  images  d'un  coin  de  pays  dont  il  est  pétri.  Même  s'il  aperpit
                                   l'armée  des  terriens  qui  se  dirigent  vers  les  villes  où  se  concentre
                                   I'industrie  moderne,  il  n'en  continue  pas  moins  à  s'agripper  à cette
                                   terre désespérante.  Accepter la mort de ce pays étrange, c'est  couper
                                   court  à  ses rêves et  condamner trente  années de durs labeurs  et  de
                                   renoncement.  Il a  choisi  de  se  rendre  aveuglément  au  fin  bout  de
                                   l'espoir.

                                       Puis,  se  parlant  à  lui-même,  comme  pour  chasser  son  inquié-
                                   tude :

                                       -Trop   de  gens  des paroisses  d'en-bas  ont  perdu  toute  fierté.
                                   Ils ne  font plus  aucun  effort  pour  gagner leur  pain.  Pourtant,  y en
                                   ii parmi  eux  qui  ont  déjà  trimé  dur.  C'est  vrai  qu'à  la  longue  on
                                   s'habitue  à tout,  ou  presque.  J'en  connais  qui se spécialisent depuis
                                   des années dans la cueillette de subventions et d'allocations  de toute
                                   sorte, si bien qu'ils  peuvent se payer une voiture de l'année et passer
                                   l'hiver  au  chaud  les  pieds  sur  la  palette  du  poêle.  Moi,  ça  me
                                   répugnerait  de  vivre en  parasite.
                                       Il  s'arrêta  comme  si  cet  effort  de  réflexion  l'avait  épuisé.  Il
                                   chargea  lentement  sa  pipe,  tassant  le  tabac  odorant  de  son  pouce
                                   calleux.  11  frotta  une  allumette  sous  la  table  et,  après  quelques
                                   bonnes  bouffées,  il  continua :

                                       -C'est   curieux de voir comment  va  le monde !  On décide  de
                                   fermer  Terre-Haute  et  pourtant,  personne  icitte  a  vécu  d'assistance
                                   publique ...
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