Page 14 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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Marie tvita de le suivre sur ce terrain mouvant. Sans transition,
elle lui demanda :
-On vous a fait de nouvelles propositions ?
-Aussi ben dire rien. Quelques dollars. Avant l'arrivée des
gens du Gouvernement, on s'ttait entendu pour ne pas démordre
de nos dernières demandes.
-Vous avez tenu ?
-Pendant la réunion, oui. Toutefois, j'serais pas surpris qu'ils
aient ébranlé le père Nicolas.
-On pouvait s'y attendre. Ils n'ont rien qui les attache à la
montagne. Et ils se font vieux lui et elle : soixante-dix ans bientôt.
Depuis l'été dernier, ils sont tout fin seuls dans leur grande maison
à deux étages, et loin des voisins depuis le départ d'André à Félix
Damboise. Avec leur pension de vieillesse et l'argent que le Gouver-
nement leur offre pour leur maison et leur terre, ils pourront finir
leurs jours sans inquiétude.
-Ceux qui partent ont toujours raison, dit Louis-Philippe en
suivant des yeux les volutes de fumée, mais on est déjà si peu
nombreux : un de moins, c'est beaucoup trop.
-Et les autres ?
-l'n'sais plus. C'est fort possible qu'un ou deux démission-
nent, à cause des femmes. Quelques-unes sont effrayées à l'idée
de passer un autre hiver sur la montagne.
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- y aura d'autres réunions.
-Avec les gens du Gouvernement, c'était la dernière. Un des
fonctionnaires, un petit noir à barbiche, n'a pas manqué de nous
rappeler que le vote sur la fermeture de la paroisse aura lieu dans
deux semaines.
-C'est vrai que ceux qui sont partis depuis deux ans voteront,
et les enfants aussi ?
-Une farce que ce vote ! À trop forcer la note démocratique,
on devient ridicule. Comment veux-tu que ceux qui sont partis et
qui ont tout vendu votent contre la fermeture ?