Page 10 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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tions  étranges  pour  s'accorder  à  leur  état  d'âme.  Des  bruits,  qui
                                passaient  inaperçus  auparavant,  semblaient  amplifiés  par  les  murs
                                en  planches  d'épinette  : la tasse  qui  raclait  la  soucoupe,  le  couteau
                                qui frappait l'assiette.  la chaise qu'on  rangeait sur le parquet rugueux,
                                avaient  une  résonance  inhabituelle.  La  simple  mastication  d'un
                                croûton  rappelait  l'éclatement  des  feuilles  mortes  sous  les  pas  d'un
                                marcheur  solitaire.  Tous ces  bruits  leur  faisaient  mal.
                                    II  semble  à  Louis-Philippe  que  sa  femme  a  changé  depuis
                                quelque  mois.  Ce soir,  il  la  trouve  distante,  mystérieuse,  comme  si
                                elle voulait dissimuler  ses sentiments.  A-t-elle  été heureuse  à Terre-
                                Haute ?  11  croit  qu'elle  s'est  plutôt  résignée  à subir  sans  se plaindre
                                la  vie  austère  de  la  montagne,  comme  une  terre  généreuse  qui  se
                                laisse  déchirer  par  la  charrue.  il  pense  aussi  aux  enfants  absents :
                                Jacques qui travaille  à  sept-Îles,  Louis  qui  est  installé  à  Montréal,
                                Julie à Québec,  Anne qui enseigne au CEGEP de la région  et Pierre,
                                le  cadet,  qui  fréquente  l'école  polyvalente.  Sur cinq,  trois  ont  déjà
                                quitté  la  Péninsule,  définitivement.  Quant  aux  deux  autres ...

                                    Tandis qu'il  mastiquait  lentement le lourd pain  de ménage pour
                                en  tirer  toute  la  sapidité, ses yeux  faisaient  le  tour  de cette  maison
                                confortable  qu'il  a  lui-même  bâtie  du  bois  de  ses  arbres  soigneuse-
                                ment séché au vent  et au soleil de tout un été.  II se disait  qu'aujour-
                                d'hui  on  ne  sait  plus  construire  des  habitations  assez  solides  pour
                                durer  un  siècle  et  davantage.  11 était  malheureux  à  la  pensée  qu'il
                                faudra  bientôt  la  démolir  ou  la  vendre  à  un  étranger  qui  la  trans-
                                portera  dans la plaine.  Il goûte à l'amertume que l'on  ressent  quand,
                                un  jour  de malheur  ou de faillite, on doit laisser des biens de famille
                                entre  les  mains  sacrilèges  de  I'encanteur.

                                    Quand  il  eut avalé la dernière gorgée  de thé,  il  recula  sa  chaise
                                et  prit  la  posture  qui  lui  est  coutumicre  chaquc  fois  qu'il  cherche
                                la  solution  d'un  problème  difficile  :  les  coudes  appuyés  sur  le  bord
                                de  la  table,  les  deux  mains  fermées  sous  le  menton,  le  regard  au
                                loin.  Après de longues minutes, il  leva  vers  sa  femme des yeux  que
                                la  réflexion  avait  rendu  transparents.  Mnrie  comprit  que  le  temps
                                était  venu  de  rompre  le  lourd  silence.
                                    -Tu   m'as  encore rien  dit de la  réunion.
                                    - La  réunion,  parlons-en  !
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