Page 39 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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c'est que des gaz s'échappent toujours des terres basses et
                                       marécageuses: de là aux sorciers il n'y a qu'un pas 1.
                                         - Impossible, dit Arché; tu manques à la logique, comme
                                       notre précepteur de philosophie te l'a souvent reproché. Tu
                                       vois bien que les habitants du nord et du sud qui font face
                                       à l'île d'Orléans, vont aussi à leurs pêches avec des flam-
                                       beaux, et qu'alors les gens de l'île les auraient aussi gratifiés
                                       du nom de sorciers: ça ne passera pas.
                                         Tandis que Jules secouait la tête sans répondre, José prit
                                       la parole.
                                         - Si vous vouliez me le permettre, mes jeunes messieurs,
                                       c'est moi qui vous tirerais bien vite d'embarras, en vous con-
                                       tant ce qui est arrivé à mon défunt père, qui est mort.
                                         - Oh 1conte-nous cela, José; conte-nous ce qui est arrivé
                                       à ton défunt père, qui est mort, s'écria Jules, en accentuant
                                       fortement les trois derniers mots.
                                         - Oui, mon cher José, dit de Locheill, de grâce faites-nous
                                       ce plaisir.
                                         - Ça me coûte pas mal, reprit José, car, voyez-vous, je
                                       n'ai pas la belle accent, ni la belle orogane (organe) du cher
                                       défunt. Quand il nous contait ses tribulations dans les veillées,
                                       tout le corps nous en frissonnait comme des fiévreux, que
                                       ça faisait plaisir à voir; mais, enfin, je ferai de mon mieux
                                       pour vous contenter.
                                         Si donc qu'un jour, mon défunt père, qui est mort, avait
                                       laissé la ville pas mal tard, pour s'en retourner chez nous; il
                                       s'était même diverti, comme qui dirait, à pintocher tant soit
                                       peu avec ses connaissances de la Pointe-Lévis: il aimait un
                                       peu la goutte, le brave et honnête homme 1 à telle fin qu'il
                                       portait toujours, quand il voyageait, un flacon d'eau-de-vie
                                       dans son sac de loup marin; il disait que c'était le lait des
                                       vieillards.
                                         -  Lac du1ce, dit de Locheill sentencieusement.
                                         1. Cette discussion sur les sorciers de l'île d'Orléans était
                                       écrite avant que M. le Dr LaRue eût publié ses charmantes lé·
                                       gendes dans les Soirées Canadiennes. L'auteur penchait, com-
                                       me lui, pour la solution de Jules, nonobstant les alJluments de
                                       Locheill à ce contraires, quand, hélas 1 l'ami Jose est VCIlU
                                       confondre le disciple de Cujas et le fils d'Esculape 1
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