Page 254 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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reconnut trop tard l'innocence, lui donna, je crois, à réflé-
                                  chir qu'il serait plus régulier de commencer par me mettre
                                  en jugement que de me faire pendre au préalable: mesure
                                  dont je me suis très bien trouvé, et que je conseille à tous
                                  les gouverneurs présents et futurs d'adopter, comme règle
                                  de conduite dans les mêmes circonstances. J'ai passé de bien
                                  tristes moments pendant ma captivité: toute communication
                                  au dehors m'était interdite; je n'avais aucun moyen de me
                                  renseigner sur le sort qui m'était réservé. Je demandais cha-
                                  que jour à la sentinelle qui se promenait sous mes fenêtres,
                                  s'il y avait quelques nouvelles; et je n'en recevais ordinaire-
                                  ment pour toute réponse qu'un g...m des plus francs. A la
                                  fin, un soldat plus accostable et d'humeur joviale, qui bara-
                                  gouinait un peu le français, me répondit un soir:  c Vous
                                  pendar sept heures matinglle." Je crois que cet homme
                                  joyeux et sensible avait enseigné son baragouin à tout le
                                  poste, car à toutes les questions que je faisais ensuite, je
                                  recevais la même réponse sacramentelle: c Vous pendar sept
                                  heures matingue!" Tout défectueux que fût ce langage, il
                                  m'était facile de comprendre que je devais être pendu à sept
                                  heures du matin, sans connaître, néanmoins, le jour fixé
                                  pour mon exécution. Mon avenir était bien sombre: j'avais
                                  vu pendant trois mortels jours le corps de l'infortuné Nadeau,
                                  suspendu aux vergues de son moulin à vent et le jouet de la
                                  tempête; je m'attendais chaque matin à le remplacer sur ce
                                  gibet d'une nouvelle invention.
                                    -  Mais c'est infâme, s'écria Arché; et cet homme était
                                  innocent!
                                    -  C'est ce qui fut démontré jusqu'à l'évidence, repartit
                                  M. des Ecors, par l'enquête qui eut lieu après l'exécution. Je
                                  dois ajouter que le général Murray parut se repentir amère-
                                  ment du meurtre qu'il avait commis dans un mouvement de
                                  colère: il combla la famille Nadeau de bienfaits, adopta les
                                  deux jeunes orphelins dont il avait fait mourir le père, et les
                                  emmena avec lui en Angleterre. Pauvre Nadeau (d)!
                                    Et toute la société répéta en soupirant:
                                    -  Pauvre Nadeau !
                                    - Hélas! dit le capitaine des Ecors philosophiquement,
                                  s'il fallait nous apitoyer sur le sort de tous ceux qui ont perdu
                                  la vie par... Mais laissons ce pénible sujet.
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