Page 229 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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d'Haberville, n'occupaient plus leur place de rigueur dans la
                                        salle à manger, les seuls ornements des nouvelles chambres
                                        étaient quelques sapins dans les encoignures, et abondance
                                        de fleurs dans des corbeilles faites par les naturels du pays.
                                        Cette absence de meubles plus coûteux ne laissait pas cepen-
                                        dant d'avoir ses charmes: les émanations de ces sapins, de
                                        ces fleurs, de ces bois neufs et résineux, que l'on respirait
                                        à pleine poitrine, semblaient vivifier le corps en réjouissant
                                        la vue. Il y avait partout une odeur de propreté qui ne fai-
                                        sait pas regretter des ameublements plus somptueux.
                                          Toute la famille, qui avait vu venir de loin M. d'Haberville
                                        accompagné d'un étranger, s'était réunie dans le salon pour
                                        le recevoir. A l'exception de Blanche, personne ne reconnut
                                        Arché, qu'on n'avait pas vu depuis dix ans. La jeune fille
                                        pâlit et se troubla d'abord à l'aspect de l'ami de son enfance,
                                        qu'elle croyait ne jamais revoir; mais se remettant prompte-
                                        ment avec cette force d'âme qu'ont les femmes pour cacher
                                        les impressions les plus vives, elle fit, comme les deux autres
                                        dames, la profonde révérence qu'elle aurait faite à un étran-
                                        ger. Quant à mon oncle Raoul, il salua avec une politesse
                                        froide: il n'aimait pas les Anglais, et jurait contre eux, depuis
                                        la conquête, avec sa verve peu édifiante pour des oreilles
                                        pieuses.
                                          -  Je veux qu'un Iroquois me grille, fit le capitaine en
                                        s'adressant à Arché, si un seul d'entre eux vous reconnaît.
                                        Voyons; regardez bien ce gentilhomme: dix ans ne doivent
                                        pas l'avoir effacé de votre mémoire; je l'ai, moi, reconnu tout
                                        de suite. Parle, Blanche: tu dois, étant beaucoup plus jeune,
                                        avoir de meilleurs yeux que les autres.
                                          -  Je crois, dit celle-ci bien bas, que c'est M. de Locheill.
                                          -  Eh oui! dit M. d'Haberville, c'est Arché, qui a vu Jules
                                        dernièrement à Paris; et il nous apporte de lui des lettres qui
                                        contiennent de bonnes nouvelles. Que faites-vous donc, Arché,
                                        que vous n'embrassez pas vos anciens amis!
                                          Toute la famille, qui ignorait jusqu'alors le changement du
                                        capitaine en faveur d'Arché, dont elle n'avait jamais osé pro-
                                        noncer le nom en sa présence. toute la famille qui n'atten-
                                        dait que l'assentiment du chef pour faire à Arché l'accueil
                                        le plus amical, fit éclater sa joie avec un abandon qui toucha
                                        de Locheill jusqu'aux larmes.
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