Page 234 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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que l'on buvait presque toujours trempé, fur~nt les seul~s
                                 liqueurs que l'hospitalité du seigneur d'Haberville pût offm
                                 à son convive: ce qui n'empêcha pas la gaieté la. plus ai~able
                                 de régner pendant tout le repas; car cette famille, ~pres d.e
                                  longues privations, de longues souffrances, semblait ressai-
                                  sir une vie nouvelle. M. d'Haberville, s'il n'eût craint de
                                  blesser Arché, n'aurait pas manqué de faire un badinage sur
                                  l'absence du champagne, remplacé par la bière mousseuse
                                  d'épinette.                       .   .      . .
                                    -  Maintenant que nous sommes en famille, dit le capltame
                                  à Arché en souriant, occupons-nous de l'avenir de mon fils.
                                  Quant à moi, vieux et usé, avant le temps, par les fati-
                                  gues de la guerre, j'ai une bonne excuse pour ne pas servir
                                  le nouveau gouvernement: ce n'est pas à mon âge, d'ailleurs,
                                  que je tirerais l'épée contre la France, que j'ai servie pen-
                                  dant plus de trente ans. Plutôt mourir cent fois 1
                                    - Et, interrompit mon oncle Raoul, nous pouvons tous
                                  dire comme Hector le Troyen:
                                          ....................................si Pergama dextra
                                          Defendi possent, etiam bac defensa fuissent.
                                    - Passe pour Hector le Troyen, dit M. d'Haberville, qui,
                                  n'étant pas aussi lettré que son frère, goûtait peu ses cita-
                                  tions, passe pour Hector le Troyen, que je croyais assez in-
                                  différent à nos affaires de famille; mais revenons à mon fils.
                                  Sa santé l'oblige, peut-être pour longtemps, voire même pour
                                  toujours, à se retirer du service. Ses plus chers intérêts sont
                                  ici où il est né. Le Canada est sa patrie naturelle; et il ne
                                  peut avoir le même attachement pour celle de ses ancêtres.
                                  Sa position, d'ailleurs, est bien différente de la mienne: ce
                                  qui serait lâcheté chez moi, sur le bord de la tombe, n'est
                                  qu'un acte de devoir pour lui qui commence à peine la vie.
                                  n a payé glorieusement sa dette à l'ancienne patrie de ses
                                  ancêtres. Il se retire avec honneur d'un service que les
                                  médecins déclarent incompatible avec sa santé. Qu'i! consa-
                                  cre donc maintenant ses talents, son énergie au service de
                                  ses compatriotes canadiens. Le nouveau gouverneur est déjà
                                  bien disposé en notre faveur: il accueille avec bonté ceux de
                                  mes compatriotes qui ont des rapports avec lui; il a exprimé,
                                  en maintes occasions, combien il compatissait aux malheurs
                                  de braves officiers qu'il avait rencontrés face à face sur le
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