Page 228 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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remarquez de temps à autre quelque froideur dans mes rap-
                                   ports avec vous, ne paraissez pas y faire attention: laissons
                                   faire le temps.
                                     Et il pressa cordialement la main de de Locheill. Le lion
                                   était dompté.
                                     -  Comme il est probable, dit M. d'Haberville, que le cal-
                                   me va durer, renvoyez vos matelots, après que je leur aurai
                                   fait porter des rafraîchissements, et si, par hasard, il s'élevait
                                   un vent favorable, je vous ferai transporter dans six heures
                                   à Québec, avec ma fameuse Lubine, si toutefois vos affaires
                                   vous empêchaient de nous donner autant de temps que nous
                                   serions heureux de vous posséder sous notre toit. C'est con·
                                   venu, n'est-ce pas?
                                     Et passant amicalement son bras sous celui d'Arché, il
                                   s'achemina avec lui vers l'habitation.
                                     -  Maintenant, Arché, dit le capitaine, comment se fait-il
                                   que vous soyez chargé de ces lettres de mon fils, qui con·
                                   tiennent de bonnes nouvelles, comme vous venez de me le
                                   dire?
                                     -  J'ai laissé Jules à Paris, répondit Arché, il y a sept se-
                                   maines, après avoir passé un mois avec lui dans l'hôtel de
                                   son oncle, M. de Germain, qui n'a pas voulu me séparer
                                   de mon ami pendant mon séjour en France; mais, comme il
                                   vous sera plus agréable d'apprendre ces bonnes nouvelles de
                                   sa main même, permettez-moi de ne pas en dire davantage.
                                     Si de Locheill fut attristé en voyant ce que l'on appelait,
                                   avant la conquête, le hameau d'Habervi11e, remplacé par trois
                                   ou quatre bâtisses à peu près semblables à celles des culti-
                                   vateurs aisés, il fut néanmoins agréablement surpris de l'as-
                                   pect riant du domaine. Ces bâtisses neuves et récemment
                                   blanchies à la chaux, ce jardin émaillé de fleurs, ces deux
                                   vergers chargés des plus beaux fruits, les moissonneurs re-
                                   tournant de la prairie avec deux voitures chargées de foins
                                   odorants, tout tendait à dissiper les impressions de tristesse
                                   qu'il avait d'abord éprouvées.
                                     A l'exception d'un canapé, de douze fauteuils en acajou
                                   et de quelques petits meubles sauvés du désastre, l'intérieur
                                   de la maison était de la plus grande simplicité: les tables, les
                                   chaises et les autres meubles étaient en bois commun, les
                                   cloisons étaient vierges de peinture et les planchers sans
                                   tapis, Les portraits de famille, qui faisaient l'orgueil des
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