Page 226 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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de reproche dans ces mots)... vous recevrez, dit-il, une hos-
                                  pitalité cordiale; allons, venez.
                                    Le lion n'était apaisé qu'à demi.
                                    Arché, par un mouvement assez naturel, avança la main
                                  pour serrer celle de son ancien ami, mais il lui fallut aller la
                                  chercher bien loin; et quand il l'eut saisie, elle resta ouverte
                                  dans la sienne.
                                    Un long soupir s'échappa de la poitrine de l'Ecossais. En
                                  proie à de pénibles réflexions, il parut indécis pendant quel-
                                  ques minutes, mais finit par dire d'une voix empreinte de
                                  sensibilité.
                                    -  Le capitaine d'Haberville peut bien conserver de la
                                  rancune au jeune homme qu'il a jadis aimé et comblé de
                                  bienfaits, mais il a l'âme trop noble et trop élevée pour lui
                                  infliger de cœur joie un châtiment au-dessus de ses forces:
                                  revoir les lieux qui lui rappellent de si poignants souvenirs
                                  sera déjà un supplice assez cruel, sans y rencontrer l'accueil
                                  froid que l'hospitalité exige envers un étranger.
                                    Adieu, capitaine d'HaberviIle; adieu pour toujours à celui
                                  que j'appelais autrefois mon père, s'il ne me regarde plus,
                                  moi, comme son fils, et un fils qui lui a toujours porté le
                                  culte d'affectueuse reconnaissance qu'il doit à un tendre
                                  père. Je prends le ciel à témoin, M. d'Haberville, que ma vie
                                  a été empoisonnée par les remords, depuis le jour fatal où
                                  le devoir impérieux d'un officier subalterne m'imposait des
                                  actes de vandalisme qui répugnaient à mon cœur; qu'un
                                  poids énorme me pesait sans cesse sur la poitrine, même dans
                                  l'enivrement du triomphe militaire, dans les joies délirantes
                                  des bals et des festins, comme dans le silence des longues
                                  nuits sans sommeil.
                                    Adieu pour toujours; car je vois que vous avez refusé
                                  d'écouter le récit que la bonne Supérieure devait vous faire de
                                  mes remords, de mes angoisses, de mon désespoir, avant et
                                  après l'œuvre de destruction que, comme soldat sujet à la
                                  discipline militaire, je devais accomplir. Adieu pour la derniè-
                                  re fois; et, puisque tout rapport doit cesser entre nous, oh !
                                  dites, dites-moi, je vous en conjure, que la paix est rentrée
                                  dans le sein de votre excellente famille; qu'un rayon de joie
                                  illumine encore quelquefois ces visages où tout annonçait
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