Page 196 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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l'étude de sa nouvelle profession, son aptitude à tous les
exercices militaires, sa vigilance aux postes qui lui étaient
confiés, sa sobriété, lui valurent d'abord l'estime générale;
et son bouillant courage, tempéré néanmoins par la pru-
dence dans l'attaque des lignes françaises à Montmorency,
et sur le champ de bataille du 13 septembre 1759, fut remar-
qué par le général Murray, qui le combla publiquement de
louanges.
Lors de la déroute de l'armée anglaise, à la seconde ba-
taille des plaines d'Abraham, Archibald de Locheill, après
des prodiges de valeur à la tête de ses montagnards, fut
le dernier à céder un terrain qu'il avait disputé pouce à
pouce; il se distingua encore par son sang-froid et sa pré-
sence d'esprit en sauvant les débris de sa compagnie dans la
retraite; car, au lieu de suivre le torrent des fuyards vers la
ville de Québec, il remarqua que le moulin de Dumont était
évacué par les grenadiers français, occupés à la poursuite
de leurs ennemis dont ils faisaient un grand carnage, et pro-
fitant de cette circonstance pour dérober sa marche à l'enne-
mi, il défila entre cette position et le bois adjacent. Ce fut
alors qu'il crut entendre prononcer son nom; et, se détour-
nant, il vit sortir du bosquet un officier, le bras en écharpe,
la tête couverte d'un linge sanglant, l'uniforme en lambeaux,
qui, l'épée à la main, s'avançait en chancelant vers lui.
- Que faites-vous, brave Cameron de Locheill ? cria l'in-
connu. Le moulin est évacué par nos vaillants soldats; il
n'est pas même défendu par des femmes, des enfants et des
vieillards infirmes 1 Retournez sur vos pas, valeureux Came·
ron, il vous sera facile de l'incendier pour couronner vos
exploits 1
II était impossible de se méprendre à la voix railleuse de
Jules d'Haberville, quoique son visage, souillé de sang et de
boue, le rendît méconnaissable.
Arché, à ces paroles insultantes, n'éprouva qu'un seul sen-
timent, celui d'une tendre compassion pour l'ami de sa jeu-
nesse, pour celui qu'il désirait depuis longtemps presser dans
ses bras. Son cœur battit à se rompre; un sanglot déchirant
s'échappa de sa poitrine, car il lui sembla entendre retentir
de nouveau les paroles de la sorcière du domaine:
- • Garde ta pitié pour toi-même: tu en auras besoin,
& lorsque tu porteras dans tes bras le corps sanglant de celui
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