Page 18 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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nes, qui semblent vouloir se rapprocher du ciel, comme si
                                   elIes craignaient un autre déluge.
                                     Il est midi: l'Angélus sonne au beffroi de la cathédrale;
                                   toutes les cloches de la ville annoncent la salutation que
                                   l'ange fit à la mère du Christ, la patronne chérie du Cana-
                                   dien. Les habitants l en retard, dont les voitures entourent
                                   les boucheries, se découvrent et récitent dévotement l'Angé-
                                   lus. Tout le monde pratiquant le même culte, personne ne
                                   tourne en ridicule cette coutume pieuse.
                                     Certains chrétiens du dix-neuvième siècle semblent avoir
                                   honte d'un acte religieux devant autrui: c'est faire, pour le
                                   moins, preuve d'un esprit rétréci ou de pusillanimité. Les dis-
                                   ciples de Mahomet, plus courageux, prient sept fois par jour,
                                   en tous lieux, en présence des timides chrétiens.
                                     Les élèves du collège des Jésuites, toujours si bruyants
                                   lorsqu'ils entrent en récréation, sortent silencieux de l'église,
                                   où ils viennent de prier. Pourquoi cette tristesse inusitée?
                                   C'est qu'ils vont se séparer de deux condisciples chéris, de
                                   deux amis sincères pour tous sans distinction. Le plus jeune
                                   des deux, qui, plus rapproché de leur âge, partageait le plus
                                   souvent leurs jeux enfantins, protégeait aussi le faible contre
                                   le fort, et décidait avec équité leurs petits différends.
                                     La grande porte du colIège s'ouvre, et deux jeunes gens,
                                   en habit de voyage, paraissent au milieu de leurs compa-
                                   gnons d'étude. Deux porte-manteaux de cuir, longs de cinq
                                   pieds, garnis d'anneaux, chaînes et cadenas, qui semblent
                                   assez forts pour amarrer un navire, gisent à leurs pieds. Le
                                   plus jeune des deux voyageurs, frêle et de petite taille, peut
                                   avoir dix-huit ans. Son teint brun, ses grands yeux noirs,
                                   vifs et perçants, ses mouvements saccadés, dénotent en lui
                                   l'origine française: c'est, en effet, Jules d'Haberville, fils
                                   d'un seigneur, capitaine d'un détachement de marine 2 de la
                                   colonie.
                                     Le second, plus âgé de deux à trois ans, est d'une taille
                                   beaucoup plus forte et plus élevée. Ses beaux yeux bleus,
                                   ses cheveux blond châtain, SOD teint blanc et un peu coloré,

                                     1. Habitant est synonyme de cultivateur, au Canada.
                                     2. Ces détachements faisaient aussi le service de terre dans la
                                   colonie
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