Page 175 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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- Dis au chien d'Anglais, dit Talamousse, qu'il sera brûlé
demain; et que, s'il a bien soif, on lui donnera de l'eau bouil-
lante pour le rafraîchir.
- Je vais le lui dire, répliqua le Canadien, mais en atten-
dant, que mes frères me permettent de porter de l'eau à leur
prisonnier.
- Que mon frère fasse comme il voudra, dit Talamousse:
les visages-pâles ont le cœur mou comme des jeunes filles.
Le Canadien ploya un morceau d'écorce de bouleau en
forme de cône, et le présenta plein d'eau fraîche au prison-
nier en lui disant:
- Qui êtes-vous, monsieur? Qui êtes-vous, au nom de
Dieu 1 vous dont la voix ressemble tant à celle d'un homme
qui m'est si cher?
- Archibald Cameron of Locheill, dit le premier, l'ami
autrefois de vos compatriotes; leur ennemi aujourd'hui, et
qui a bien mérité le sort qui l'attend.
- Monsieur Arché, reprit Dumais, car c'était lui, -
quand vous auriez tué mon frère, quand il me faudrait fen-
dre le crâne avec mon casse-tête à ces deux Canaouas,
dans une heure vous serez libre 1. Je vais d'abord essayer
la persuasion, avant d'en venir aux mesures de rigueur. Si-
lence maintenant.
Dumais reprit sa place près des Indiens, et leur dit après
un silence assez prolongé:
- Le prisonnier remercie les peaux-rouges de lui faire
souffrir la mort d'un homme; il dit que la chanson du visage-
pâle sera celle d'un guerrier.
- Houa 1 fit la Grand'Loutre, l'Anglais fera comme le
hibou qui se lamente quand il voit le feu de nos wigwams
pendant la nuit 2.
Et il continua à fumer en regardant de Locheill avec
mépris.
1. Canaoua: nom de mépris que les anciens Canadiens don-
naient aux sauvages.
2. Le hibou, peu sociable de sa nature, pousse souvent des
cris lamentables à la vue du feu qu'allument, la nuit, dans les
bois, ceux qui fréquentent nos forêts canadiennes. On croirait
que, dans leur fureur, ils vont se précipiter dans les flammes
qu'ils touchent fréquemment de leurs ailes.
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