Page 232 - index
P. 232
Une autre hypothdse s'impose. Les auteurs eux-mêmes ont-ils
ou
profit6 de ce ~ystkrne~~ veulent-ils protéger certains amis, dont le pou-
voir est probablement assez grand? Bouchette, qui est un francophone,
doit certainement menager certaines susceptibilités, afin de ne pas s'atti-
rer les foudres de ces puissants du regime, d'autant plus que ses rela-
tions avec ses congénéres ne sont pas des De plus, puisque
ces cartes doivent être montrées au roi, il ne faudrait pas trop insister sur
le fait que le systéme impérial a failli A sa tâche et qu'il a permis quel-
ques individus de s'emparer de vastes domaines et de spéculer sur un
territoire que la Couronne britannique promet a ses loyaux sujets. Par
contre, on peut représenter de telles propriétbs dans I'aire seigneuriale,
puisque le système d'attribution de ces vastes territoires, d'inspiration
féodale, ne releve pas de la Couronne britannique, mais de l'ancienne
administration coloniale française. En fait, la carte sert alors de propa-
gande pour montrer la justice et l'équité dont fait preuve le nouveau ré-
gime (britannique) par rapport 8 l'ancien (français) quant 4 l'attribution des
terres et A l'accès à la propriéte par le peuple.
Finalement, comme ces canes sont destinkes B la vente et 3 la
distribution, il est important qu'elles correspondent aux discours officiels
qui invitent les gens des îles Britanniques B immigrer. Ainsi, Bouchette
doit fournir aux petits propriétaires qui verront la carte chez les agents de
promotion de l'immigration2' une image du territoire invitante, c'est-à-dire
qui présente un bon état de developpement et un accès facile à la terre.
En contrepartie, il faut aussi qu'il illustre quelques domaines (dans l'aire
seigneuriale) pour que les individus fortunés, qui d'ailleurs peuvent être
des clients potentiels de la carte, voient qu'il est possible d'accaparer de
grands espaces au Canada. Bouchette montre donc les terres de quel-
ques-uns de ses protecteurs, en les nommant précisément (comme
Edward Ellice). ce qui ne peut pas nuire h la vente de ses canes. Ainsi les
choix de 8ouchette sont-ils conditionnés par la politique de l'État et par
ses ambitions personnelles.
Chercher l'erreur ou attribuer à un auteur un choix politique ne suf-
fit pas à expliquer l'absence d'une composante du paysage. Par exemple,
le fait que Bayfield limite aux côtes la représentation du territoire québécois
n'est pas un choix politique. II faut examiner la fonction de ses caries
pour comprendre les raisons d'une telle reprbsentation. En fait. Bayfield a
25. C'est le cas de Gale et de Vondenvelden qui ont reçu respeclivement 23000 et
1 550 acres de terre. J.-C LANGELIER (1891). p 8-70
26. Claude BouoilEau (19861, p. 31.
27 Les compagnies de dbveloppement comme IaArnerican Land Company