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comment une carte peut servir a établir la réputation ou la crédibili28 d'un
                                 indiv~du. Pour illustrer ces exemples,  nous avons choisi  les travaux de
                                 Joseph Bouchette père, B  la fois A cause de son r61e  d'arpenteur genéral
                                 et de l'importance  de sa  production cartographique, de la  qualité et de
                                 l'abondance des renseignements que celle-ci nous livre.


                                 Les silences de la carte


                                       Comme nous  l'avons  déjà  mentionné, l'élaboration d'une  carte
                                 commande des choix que l'on croit justes.  mais qui sont souvent d'ordre
                                 social, politique, Bconomique et même culturel. Par exemple, les cartes a
                                 l'échelle de  la province, si elles portent un regard global sur les compe
                                 sentes du paysage, n'en omettent pas moins certains éléments. Ces si-
                                 lences sont, comme les sous-entendus dans le discours écrit et oral, sou-
                                 vent très révélateurs. Omettre de représenter tel éldment peut constituer
                                 une prise de position sociale ou économique  qui relbve du champ des
                                 idéologies.
                                       Prenons l'exemple des Amérindiens, rapporté par Harley14. Ceux-
                                 ci sont graduellement écljpsés de la cartographie du continent nord-amé-
                                 ricain. On peut voir aux xvie et xvii3iécles, notamment sur les cartes de
                                 Champlain, l'importance  qu'on leur accorde. Puis, les canes continenta-
                                 les du xviiie siècle, comme celles de Châtelain1= et Delislet8 (figure 30). les
                                 mentionnent et les localisent, mais ce n'est apparemment que pour mieux
                                 les éclipser. De  fait, de la fin du xviii@à la fin du xixe siècle. ils disparaissent
                                 graduellement de ce type de cane. Par conséquent, il est possible de voir
                                 ces cartes comme  des  indicateurs permettant de  localiser les peuples
                                 que les Européens auront à  ((assimiler i),  à  (( deplacer ))  ou   (i extermi-
                                 ner ii, afin de s'approprier l'espace convoité.

                                       L'article de  DorionI7 démontre bien toute la  subtilitd du discours
                                 cartographique et son utilisation par les j6suites, pour tenter de convertir
                                 les Amérindiens. L'auteur présente le recours B la carte comme une ten-
                                 tative de « fixation 1)  d'un monde sauvage continuellement en mouvement,
                                 insaisissable, donc impossible Ci  cartographier. De ce point de vue, la carte
                                 devient  un outil de conversion non seulement au regard de la  religion,
                                 mais aussi du mode de vie. On cherche alors à sédentariser les AmBrin-



                                       14. J. Brian HARLEY (1 988ai.
                                       15  H.A. CHATELAIN (1719). carto-bibliographie
                                                       11
                                       16, Guillaume DELISLE 703). carto-bibliographie.
                                       17. Normand DURION 11985).
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