Page 40 - monseigneur
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              40      MONBEIGNEUB GBANDIN VOUB PABLB • •.


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                          LES SOUCIS DES VIEUX 1
                  Je vois par ta lettre, bien chère sœur, que toi
              aussi tu as tes soucis, tes ennuis, que même tu en es
              richement pourvue. Il me semble qu'à ta place, je
              serais heureux comme un roi, je me trompe plus
              heureux qu'un roi. Hélas 1pauvre Enfant, je serais
              à ta place, je serais probablement comme toi; n'ayant
              rien à administrer, par oonséquent point d'inquié-
              tude, -comme toi je trouverais le moyen de m'en             1
              créer. Nous sommes ainsi faits, nous sommes étran-
              gers sur la terre, nous ne nous sentons point à notre       1
              place, nous ne sommes contents ui de nous ni des           ,1
              autres; il nous faut souffrir. Et puis, chère sœur,
              il ne faut pas l'oublier; nous ne sommes plus jeunes;
              dans huit jours j'aurai 61 ans acoomplis, tu appro-
              ches par conséquent de la soixantaine. Je n'aurais          1
              jamais supposé que ni toi ni moi dussions aller jus-
             que là. Mais n'allons pas croire que nous sommes             1
                                                                          !
             devenus vieux sans en subir les conséquences. On             i
              doit dire et penser de nous ce que nous mêmes nons
              pensions et disions il y a vingt ans et trente ans de       1
              ceux qui avaient l'âge que nous avons aujourd'hui.          ,'j
             Nos neveux suivant nous ont une foule de défauts,
             de mi~ères 'que nous n'avions pas, supposons-nous,            1
                                                                           1
              et nous nous dépitons de toutes leurs misères;, nous         1
  1          nous tourmentons et nous n'avançons pas les choses.           ! 1
  1          Crois-moi, chère sœur, ne nous mêlons que le moins
             possible des affaires de cette jeunesse; elle n'a point
  1          nos manières de voir et nous n'avons         plus les
             siennes; oU du moins, ne nous tourmentons pas trop
             de ce que nous voyons.
                  1Lettr... à sa sœur M~lanle. -  Bt·Albert, Is 1er février
             1890.- CFG.
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