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LE BERGER DEVENU tvtOUE'
Chère sœur, Notre-Seigneur signale les richesses
comme un grand obstacle pour aller au ciel et bien
des fois j'ai remercié la Providence de ne point me
les avoir données, car je vois que certains membres
de notre famille qui en ont été gratifiés sont in-
comparablement plus malheureux que nous. Tu n'es
pas encore riche, chère enfant, et j'espère que tu ne
le seras jamais; mais enfin te voilà chez toi, tu jouis
d'une certaine aisance; il ne faut pas que cette
aisanc~-là nous désunisse. Je serais le plus ingrat
des hommes si je payais ton dévouement pour moi,
ta continuelle charité, par l'ingratitude, si j'allais
te mépriser parce que je suis revêtu d'une haute
dignité. Cette dignité, chère enfant, ne saurait me
faire oublier le temps où tous les deux vêtus on ne
peut plus modestement, je dirais même pauvrement,
nous conduisions nos vaches et nos moutons au
champ. Nous nous aecordions bien alors; nous étions
peut-être plus à notre place qu 'aujourd'hui, moi du
moins. Si j'avais conservé mes sabots, ma blouse de
toile, mon fouet et mou chapeau de paille, personne
n'eût été jaloux de moi, on ne se disputerait pas
surtout pour me donner l'hospitalité. Mais j'en ai
trop dit sur ce chapitre, chère Mélanie, sache bien une
fois pour toutes que je n'ai jamais cessé de t'aimer.
'Lettre à .a sœur Mélanie. - Bt-Albert. le 21 décembre
1874._ CFG
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