Page 129 - monseigneur
P. 129

129


                 LE BERGER DEVENU tvtOUE'

            Chère sœur, Notre-Seigneur signale les richesses
        comme un grand obstacle pour aller au ciel et bien
        des fois j'ai remercié la Providence de ne point me
        les avoir données, car je vois que certains membres
        de notre famille qui en ont été gratifiés sont in-
        comparablement plus malheureux que nous. Tu n'es
        pas encore riche, chère enfant, et j'espère que tu ne
        le seras jamais; mais enfin te voilà chez toi, tu jouis
        d'une certaine aisance; il ne faut pas que cette
        aisanc~-là nous désunisse. Je serais le plus ingrat
        des hommes si je payais ton dévouement pour moi,
        ta continuelle charité, par l'ingratitude, si j'allais
        te mépriser parce que je suis revêtu d'une haute
        dignité. Cette dignité, chère enfant, ne saurait me
        faire oublier le temps où tous les deux vêtus on ne
        peut plus modestement, je dirais même pauvrement,
        nous conduisions nos vaches et nos moutons au
        champ. Nous nous aecordions bien alors; nous étions
        peut-être plus à notre place qu 'aujourd'hui, moi du
        moins. Si j'avais conservé mes sabots, ma blouse de
        toile, mon fouet et mou chapeau de paille, personne
        n'eût été jaloux de moi, on ne se disputerait pas
        surtout pour me donner l'hospitalité. Mais j'en ai
        trop dit sur ce chapitre, chère Mélanie, sache bien une
        fois pour toutes que je n'ai jamais cessé de t'aimer.
            'Lettre à .a sœur Mélanie. -  Bt-Albert. le 21 décembre
       1874._ CFG


                                 •
   124   125   126   127   128   129   130   131   132   133   134