Page 223 - monseigneur
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de danger, j'étais trop gênée. Pour moi, la gêne, ç'a toujours été
                                        une barrière.
                                L.P. :  Toute votre vie?
                                 F.M. : Toute ma vie, surtout ma vie de jeune fille.
                                L.P. :  Vous avez été Uf'e jeune fille qui a travaillé, cependant.
                                 F.M. : J'ai enseigné.
                                L.P. :  À ce moment-lti, enseigner, ce n'était pas COmme travailler,
                                       c'était plus noble...
                                 F.M. : C'est parce qu'il n'y avait pas autre chose à faire.
                                 L.P. :  On était infirmière ou institutrice.
                                 F.M. : Moi, j'étais sur une ferme. On ne disait pas une ferme, dans ce
                                        temps-là, mais une terre. Mes parents étaient habitants. Alors,
                                        à quatorze ans, j'ai été au couvent. Deux ans. A seize ans, j'ai eu
                                        mon diplôme.
                                 L.P. :  Vaire diplôme pour enseigner?
                                 F.M. : Pour enseigner.
                                 L.P. :  Et vous avez fait l'école. À qui?
                                 F.M. : En face de chez nous, sur la rivière Saint-François... Moi, je suis
                                        de Saint-François-du-Lac. Alors, c'est la rivière qui passe. Elle
                                       sépare le village de Pierreville et le village des Abénakis de
                                        Saint-François. La rivière est capricieuse. Elle fait des entrées
                                        dans les terres et forme beaucoup de petites îles, Alors, en face de
                                        chez nous, c'était une île. C'est pour ça que le rang s'appelait le
                                        rang du Petit Chenail. Durant l'été, ça venait à sec.
                                 L.P. :  If y avait une école de l'autre côté?
                                 F.M.:  Là, il est venu un temps où il y avait neuf enfants d'âge scolaire.
                                 L.P. :  Dans la même école .?
                                 F.M. : Dans cette île-là, qui s'appelle l'île Saint-Jean. Alors, ils ne pou-
                                        vaient pas toujours tra verser pour venir à l'école de notre rang.
                                        Ils on t donc ouvert une école dans une maison privée. J'ai ensei-
                                        gné dans le salon de celle maison d'habitants.
                                 L.P. :  À neuf enfants, mais qui n'avaient pas le même âge?
                                 F.M. : Non, non. On avait quatre divisions: les petits et les autres...
                                 L.P. :  /1 y avait les petits, les moyens, les grands et ceux qui n'appre-
                                        naient rien... ceux qui étaient là tout le temps...
                                 F.M. : Ils apprenaient tout le temps. Le plus vieux avait douze ans.
                                 L.P. : e était peut-être mieux d'être dans une maison privée, comme ça,
                                        que dans une école, car avoir une école, c'était dur... Faire le feu,
                                        il faflait chauffer, entretenir...
                                 F.M.: Pas quand j'ai enseigné. Ça, c'était quand j'étais petite fille. A la
                                        petite école, j'ai connu ça.
                                 L. P. :  Vous avez connu ça.
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