Page 225 - monseigneur
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L.P. :  Vous avez été comme ça toute votre vie?
                                 F.M. : J'ai toujours aimé ça. Quand j'étais petite, il n'y avait pas de
                                        lecture... Il y avait L'Almanach du peuple...
                                 L.P. :  L'almanach qu'on relisait sans arrêt. Et il Y avait les annales
                                        aussi.
                                 F.M. : JI y avait les annales.
                                 L.P. :  1/ y avait l'index. Il y avait des livres à /'index ? ...
                                 F.M. : Ah ! mon Dieu, beaucoup!
                                 L.P. :  Ça, c'était pas bien...
                                 F.M. : J'en ai lu, parce que mon mari m'en avait passé... Lui, il avaiL
                                        voyagé un petit peu... Il a passé sa vie à faire toutes sortes de
                                        choses avant de...
                                 L.P. :  Et il vous avait apporté un livre ci l'index à la maison?
                                 F.M. : Il m'avait apporté un livre. Le titre, c'était: Péchés roses.
                                 L.P. :  Ah'   ça devait être beau /...
                                 F.M. : Ah !   j'ai trouvé ça pas mal effrayant!
                                 L.P. :  Mais vous l'avez lu pareil?
                                 F.M. : Je l'ai tout lu. J'étais presque scandalisée...
                                 L.P. :  Mais c'étail grave de lire un livre à l'index, à ce moment-là?
                                 F.M. : C'était très grave... Il faIlait aller s'en confesser.
                                 L.P. :  L'avez-vous fait ?
                                 F.M. : J'ai dû le faire, parce que dans ce tem ps-Ià, on était strict. Oui.
                                         Les personnes q:1Ï lisaient des romans, c'était des personnes per-
                                        dues. Perdues comme les femmes fardées...
                                 L.P. :  Elles étaient perdues comme les fardées. Les fardées, les romans,
                                        ça al/ait tout ensemble. Vous vous êtes donc confessée d'avoir lu
                                        un livre à l'index?
                                  F.M. : Oui, oui, et j'en ai lu, après, plusieurs...
                                 L.P. :  Alors, vous éLiez arrangée comme ça?
                                 F.M. : J'aimais assez ça, lire, que...
                                 L.P. :  Un livre à l'index, une confession... et vous alliez recommencer
                                         tout de suile après?
                                 F.M.:   Bien, quand j'avais l'occasion...

                                                             * * *


                                  L.P.:  Mme Maher, il faut que je vous pose une question délicate.
                                         Quand vous vous êtes mariée, est-ce que vous saviez ce que c'était.
                                         le mariage?
                                  F.M.: Bien oui... Plus ou moins... Vous savez, étant élevés à la campa-
                                        gne, on voyait faire les animaux. Ça nous donnait à peu près
                                         une idée de ce qui pouvait se passer...


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