Page 224 - monseigneur
P. 224

L.P. :  Comment avez-vous connu votre mari, Mme Maher? Parce que
                                    Claude nous a dit que son grand-père était extraordinaire aussi .'
                             F.M. : Il était pas mal extraordinaire... Je lui ai toujours trouvé plus de
                                    qualités qu'à moi.
                             L.P. :  1/ devait en avoir beaucoup...
                             F.M. : C'était un homme qui aimait à taquiner. Alors, il m'a pas mal
                                    fatiguée avec ça. J'étais braillarde, vous savez,j'étais orgueilleuse.
                                    Alors, quand il m'envoyait une taquinerie, quelque chose que je
                                    n'aimais pas, j'étais portée à pleurer. J'ai assez pleuré dans ce
                                    temps-là, que je ne suis plus capable maintenant.
                             L.P. :  Vous n'avez plus de larmes .?
                             F.M. : Quand il est mort, je n'ai pas versé une larme. Ça m'a fait de la
                                    peine, par exemple...
                             L.P. :  Vous aviez tant pleuré...
                             F.M. : Oui, tout ce que j'avais à pleurer, quand j'étais jeune.
                             L.P. :  Vous l'avez rencontré comment? Est-ce que vous vous souvenez
                                    des détails?
                             F.M. : Mon mari avait été élevé sur une autre terre, dans un autre rang.
                                    C'était le rang du Bas de Yamaska. Alors. ses parents sont partis
                                    pour les États-Unis. Autrefois, ça se faisait beaucoup, parce que
                                    tes hommes ne pouvaient pas vivre ici.
                             L.P. :  Ils allaient chercher du travail?
                             F.M. : Lui, il a été laissé ici. chez une de ses tantes, une soeur de sa
                                    mère, qui n'avait pas d'enfant et qui demeurait dans notre rang.
                                    C'est comme ça qu'à sept ans, il est venu demeurer dans notre
                                    rang.
                             L.P. :  A viez-vous le même âge, lOus les deux ?
                             F.M. : Il avait cinq ans de plus que moi.
                             L.P. :  Ce n'était pas une grosse dIfférence.
                             F.M. : Dans ce temps-là, c'était beaucoup!
                             L.P. :  Oui?
                             F.M. : Je n'ai jamais pensé que je pouvais le marier, parce que pour nous
                                    autres, à vingt-cinq ans, une fille, c'était une vieille fille. Puis. un
                                    garçon cinq ans plus vieux que moi, je n'avais jamais pensé le
                                    fréquenter.
                            L.P. :  En avez-vous fréquenté d'autres?
                             F.M. : Oui. J'ai eu quelques petits cavaliers...
                            L.P. :  Ça ne pouvait pas s'appeler autre chose que ça. hein?
                            F.M. : Non, nOn. C'était des cavaliers, dans ce temps-là. C'était des
                                    garçons d'habitants, et comme je n'aimais pas le travail d'habi-
                                    tant... Je n'étais pas travaillante pour J'ouvrage de maison ...
                                    J'aimais à lire et quand je pouvais me trouver un livre, j'aJiais me
                                    cacher quelque part pour tire.


                                                          229
   219   220   221   222   223   224   225   226   227   228   229