Page 226 - monseigneur
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L.P. :  M ais autrement, on n'en parlait pas?
                              F.M.:  Pas du tout. Les femmes enceintes, dans les veillées, par exemple,
                                     ça se pa rJait tout bas.
                              L.P. :  Ça aussi, c'était à l'index?
                              F.M.:  Il ne fallait pas parler de ça. On n'en parlait pas avec nos parents
                                     non plus.
                              L.P. :  Est-ce que, vous qui vivez maintenant une autre époque, où les
                                     choses ne se font plus du tout de la même façon, est-ce que vous
                                     pensez que c'est mieux maintenant ou à ce moment-là?
                              F.M.:  Il Ya du pour et du contre. C'est peut-être un peu trop aujour-
                                     d'hui. Parce que moi, je ne regrette rien de ma jeunesse. Je trouve
                                     que ma jeunesse a été merveilleuse. Aujourd'hui, je trouve beau-
                                     coup de jeunes... je les plains.
                              L.P. :  Pourquoi?
                              F.M. : Parce qu'ils ne savent pas ... Ils veulent faire quelque chose, mais
                                     ils n'ont pas l'air de savoir où ils s'en vont.
                              L.P. :  Celte espèce d'insécurité. quoi ?...
                              F.M.:  Ils veulent changer le système, mais avec quoi?
                              L.P. :  Est-ce que vous vous intéressez maintenant à la politique?
                              F.M.:  Je m'intéresse à tout: la politique, les arts, l'enseignement. ..
                              L.P. :  Ces/ parce qu'il y a eu une époque... Lorsque vous aviez vingt
                                     ans, une femme ne s'occupait pas de politique?
                              F.M. : C'était juste les hommes. Mais moi,je parlais politique avec mon
                                     mari. Mon mari a voyagé plusieurs années, et puis quand on s'est
                                     mariés, en J911, ç'a été J'année... quand Bourassa a commencé.
                              L.P. :  L'autre... L'autre Bourassa...
                              F,M. : Henri Bourassa. Le Devoir était sorti en 1910, Alors, mon mari
                                     s'est abonné et il a pris la politique de Bourassa. Il était nationa-
                                     liste. Alors, on ne pouvait pas parler politique avec nos voisins,
                                     qui étaient des rouges et des bleus. On était nationalistes.
                              L.P. :  Es/-ce que vous l'êtes restée, vous?
                              F.M.:  Je suis comme Jes autres. Des fois, je donne mon opinion, mais je
                                     ne devrais pas la donner.
                              L.P. :  Pourquoi pas?
                              F.M. : Parce qu'il y a bien des choses que je n'approuve pas aujourd'hui.
                              L.P. :  Mais ça ne VOLIS empêche pas de le dire.
                              F.M. : Oui ... Des fois, je donne mon opinion...




                              L.P.:  Es/-ce que vous avez été une femme qui a eu du mal à se faire au
                                     changement? Cest-à-dire depuis que vous êtes arrivée à
                                     Montréal... Quand êtes-vous arrivée à Montréal?

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