Page 17 - monseigneur
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Avant d'arriver au bois, il y avait un gros pin au milieu du
                                champ. C'était le pin aux corbeaux, qui y faisaient leurs
                                niques (nids). Les vaches pouvaient s'y abriter de la pluie ou
                               du gros soleil et ruminer en paix. Ce gros pin a été frappé par
                                la foudre un peu plus tard. Et nous arrivions au bois où il y
                                avait une clôture et une barrière. Si nous étions à pied, nous
                               sautions par-dessus la clôture, au lieu d'ouvrir la barrière.
                                Nous nous amusions souvent à marcher sur ces clôtures de
                                pieux qui étaient plus ou moins droits. C'était à qui tiendrait
                                le plus longtemps sans tomber. Les hommes avaient fait un
                                chemin de voitures à travers le bois pour aller à la cabane à
                                sucre. Le petit chemin des· vaches suivait la clôtu re jusqu'aux
                                Quarante, c'est-à-dire le bout du bois, où il y avait un peu
                                de terre défrichée jusqu'aux terres d'Yamaska. Entre ces ter-
                                res, il y avait une languette de terrain que nous appelions la
                                Costellerie. Je ne pourrais dire la signification de ce nom et
                                à qui appartenait ce terrain pas bon et sur lequel se trouvait
                                une vieille grange.
                                   Aux Quarante, mon père semait du sarrasin qui poussait
                                tant bien que mal, car c'était plutôt du sable; les mulots se fai-
                                saient des tunnels dans les rangs. Nous les faisions sortir avec
                                des branches et les apportions à la maison pour les chats, qui
                                étaient toujours nombreux. Dans le bois, nous nous amusions
                                à imiter les oiseaux et nous chantions à tue-tête: «Cache
                                ton cul, Jérémie, Jérémie! » Pour aller aux Quarante, nous
                                prenions la charrette à deux roues. Le chemin étant plus ou
                                moins tortueux, avec la charrette on passait partout. À part les
                                plaines, il y avait beaucoup de pins et de sapins dans le bois,
                                quelques bouleaux, des chênes que nous appelions des glan-
                                tiers, et des épinettes. Une grande décharge traversait le bois.
                                Sur les bords, il y avait de la belle mousse, où nous nous
                                amusions et dormions quelquefois.
                                   J'ai oublié de parler de la soue des cochons qui faisait aussi
                                partie des bâtisses près de la maison. Nous avions aussi un


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