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Chapitre 7


                                      Jeune fille et professeur








                                 J'ai 14 ans. La dernière maîtresse d'école que nous avions
                             eue, ma cousine Armandine Mondou, m'avait passé des livres
                              un peu plus avancés que ceux que nous avions, car j'étais bien
                             décidée d'aller au couvent: c'était mon rêve. J'étais préparée
                             à affronter les difficultés que cela comportait. Mon frère
                             Cyrille, plus âgé que moi, avait commencé son cours classi-
                             que à Nicolet, et de l'argent nous n'en avions guère. Tout de
                              même, ça ne coOtait pas cher pour mon frère; les prêtres du
                             séminaire, qui avaient des animaux, beaucoup de terrain,
                             acceptaient du paiement nature, comme des patates, de l'avoi-
                             ne, etc. Au couvent, je pouvais être quart de pension, c'est-à-
                             dire manger et coucher chez un rentier du village (ancien habi·
                              tant). Pour les études, je pense que ce n'était pas plus que $24
                              pour l'année. Avec ces études que j'avais faites, en deux ans je
                              pouvais avoir un diplôme élémentaire et enseigner.
                                 Cependant, je me souviens d'une année où l'argent man-
                             quait un peu plus. Il y eut la vente des pins! Ce n'est pas drôle
                              pour un habitant de se défaire d'une parcelle de sa terre ou de
                             son bois! Nous avions beaucoup de beaux pins, dans le bois,
                             qui étaient rendus à leur grosseur. Un jour, deux hommes
                             d'affaires du village ont approché mon père, pour acheter des
                             pins. Ils avaient un contrat pour le chantier de Sorel, qui cons-
                             truisait des bateaux. Il leur fallait de beaux pins, ce que nous
                             avions chez nous. C'était un problème pour mon père, qui
                             était loin d'être d'accord. Ils sont allés faire l'inspection et ont
                             trouvé une centaine de pins qui faisaient leur affaire. Comme


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