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CONTES À PARTAGER













                         pas les rebuter. Il arrive qu’ils essaient de soutirer quelques pièces aux passants
                         pressés et indifférents et quand d’aventure on veut bien leur faire l’aumône, c’est
                         avec un regard réprobateur. Ils les regardent, mais ne les voient pas, sinon ils
                         verraient des enfants perdus, oubliés de nos sociétés trop pressées qui courent à
                         bout de souffle vers l’ineffable. Leur pauvre vie s’est un jour fracassée sur l’autel de
                         la performance, de la solitude, du rejet et de la difficulté à s’adapter, de l’isolement
                         affectif et social. Nul ne sait que ces pauvres hères payent un lourd tribut pour leur
                         refus d’entrer dans le rang et de jouer le jeu. La vie, la mort, qu’est-ce qu’un iota
                         peut changer? S’enfoncer dans la nuit noire de l’oubli, sans laisser de traces, et finir
                         dans l’anonymat de la rue… J’en verse encore des larmes aujourd’hui et mon cœur
                         s’étreint à ces tristes souvenirs. Mais après tout, ne sommes-nous pas tous placés à
                         mi-distance de la misère et du soleil? Sans doute suis-je d’humeur chagrine, mais la
                         déliquescence de nos sociétés me hante jour et nuit. Après tout, être triste, heureux,
                         mélancolique, pleurer, rire, la solitude, la finitude, tout cela ne fait-il pas partie
                         intrinsèque de l’être humain?


                         Encore une fois, je me suis laissé emporter par ma verve. Je suis trop loquace. Je
                         marmotte des divagations sur tout et sur rien. Tu penses sans doute que je devrais
                         exercer un droit de réserve n’est-ce pas? Que veux-tu, je suis un incorrigible
                         polémiste qui possède un humour corrosif que rien ne saurait faire taire et ta
                         patience stoïque est impénétrable et me pousse à la diatribe. Mais la vie n’a pas dit
                         son dernier mot et l’humanité que nous avons en partage nous rendra plus forts
                         et nous vaincrons cet adversaire redoutable qui s’acharne sur nous depuis trop
                         longtemps maintenant. Seul l’inconnu épouvante les hommes. Mais, pour quiconque
                         l’affronte, il n’est déjà plus l’inconnu. Surtout si on l’observe avec cette gravité lucide.

                         Mais ne commencerais-tu pas à somnoler mon bel ami? Sans doute t’ai-je assommé
                         avec mes divagations de vieil arbre fatigué, qui à l’instar de Don Quichotte, vit au
                         pays des chimères où il se bat contre des moulins à vent.

                         Le vent se lève et tu chancelles sur tes frêles pattes. Il te fait penser à l’ivresse du
                         large. Tu penses à repartir petit oiseau. Mais ton pauvre cœur et tes ailes sont
                         encore écorchés par ton dernier périple. Je vois ton regard plongé vers cette contrée
                         intérieure d’où nous ramenons parfois les difficiles réponses d’un abyme existentiel
                         qui n’est qu’un leurre. Si tu ne peux pas résister à l’appel de l’aventure et bien vas-y,
                         pars, vole de plus en plus haut sans te retourner, jusqu’à cette fine ligne où le ciel
                         caresse l’horizon et où tout n’est que paix dans un futur conjugué au passé. Ta force
                         de vie transfigure tout. Tu as connu la peur et le découragement, jamais l’amertume.
                         Ta liberté est une respiration qui te fait prendre conscience de ton destin et le tien
                         c’est d’être libre. Tu en as joui sans limites ni remords et elle t’a éclairé toute ta vie.
                         Elle est pour toi le paradis terrestre!










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