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CONTES À PARTAGER
la princesse n’a jamais eu la chance d’en manger une seule. Ti-Jean remportait ainsi,
haut la main, cette deuxième épreuve à son programme.
Pour ce qui est de la troisième et dernière étape, Ti-Jean devait courir plus vite que la
princesse pour puiser de l’eau et revenir à la case de départ. Mais le petit bonhomme
reconnaissait qu’avec ses petites jambes, il ne pouvait pas courir très vite et il s’est
dit, « J’connais un gars qui court b’en vite. J’vais y demander de courir à ma place,
mais j’vais aussi y demander de laisser croire à la princesse qu’elle a quand même
une chance de gagner ». Le coureur acquiesça et s’installa à la ligne de départ à côté
de la princesse, puis, Bang! au coup de canon, il se mit à courir, et c’est peu dire. En
un temps record, le représentant de Ti-Jean s’était rendu au puits et avait rempli son
seau, quand il constata, tout à coup, que la princesse n’avait pas encore « décollé ».
Il s’assit sur une roche pour l’attendre un peu. Et à force d’attendre, il s’endormit,
se mit à ronfler et à ronfler de plus belle. Puis, la princesse arriva sans faire de bruit,
remplit son seau et rebroussa chemin. Ti-Jean était dans tous ses états, lorsqu’il se
rendit compte que seule la princesse avait emprunté le chemin du retour. Il demanda
donc au gars à l’oreille fine, « Dis-moi donc ce qu’il fait. » Ce dernier, habitué à
écouter le blé pousser, tendit l’oreille et lui dit, « Y ronfle ». Il fallait donc le réveiller
à tout prix, et ce, au plus vite. Ti-Jean demanda aussitôt au tireur de flèches de tirer
une flèche pour réveiller le coureur somnolent. Aussitôt dit, aussitôt fait, une flèche
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frôla le dessous du nez du coureur et lui coupa « la guédille du nez ». Il se réveilla
en sursaut et se mit à courir plus vite que le vent et arriva une fraction de seconde
avant la princesse. Ti-Jean, remportait ainsi, avec brio, son dernier défi.
Le roi accorda donc à Ti-Jean, le futé, la main de sa fille en mariage et la moitié
de sa richesse. À compter de ce jour-là, Ti-Jean fut connu comme étant « l’homme
château ». Des grosses noces s’ensuivirent. Tout le monde était invité, sa mère, ses
deux frères et bien, bien d’autres. La princesse et lui eurent beaucoup, beaucoup
d’enfants et plusieurs générations plus tard, il y en a un qui est venu s’installer dans
l’est de l’Ontario pour y fonder un village.
Il envoya donc sa demande à Ottawa. Mais, le fonctionnaire qui s’occupait du
dossier ne parlait que l’anglais et traduisit la demande en anglais. Le village fut donc
appelé « CastleMan », l’homme château. Mais par la suite, un autre membre de sa
descendance chercha à franciser le nom de son village. « C’est ainsi que le village de
Casselman a vu le jour. En ces lieux, mon arrière-arrière-arrière-arrière-grand-père,
Jean-Baptiste Racine, a acheté une terre ici à Casselman, et voici que six générations
plus tard, on y travaille encore… Merci! »
3 La morve au nez
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