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56             LA COLONISATION DANS QUEBEC
                Pour répondre aux besoins les plus pressants, les intendants se virent
            dans la nécessité de fabriquer une monnaie spéciale sur des cartes à jouer
            coupées de différentes manières suivant la valeur qu'on leur donna (1).
                Une émission de ces cartes correspondante à la somme que les vais-
            seaux du roi devait apporter, était faite au commencement de l'année;
            à l'arrivée des vaisseaux l'intendant faisait retirer les cartes en circula-
            tion et les payait à même les fonds qu'il avait reçus et au moyen de lettres
            de change qu'il faisait tirer sur les trésoriers généraux (2).  Les cartes
            rapportées étaient comptées par les commis de l'Intendance et brûlées en
            leur présence.
                Les premières émissions faites par Desmeulles (1685) et de Champi-
            gny (1687) furent remboursées exactement.     On ne tarda pas à abuser
            de cette facilité de se procurer des ressourceB.  En 1702, l'intendant
            Beauharnais constata qu'il y avait en circulation pour un montant
            considérable de veilles cartes qui n'avaient pas été payées dans les
            années précédentes.
                On n'en continua pas moins de fabriquer de nouvelles cartes.     En
            1708 le trésor du roi étant épuisé, on suspendit presque totalement l'en-
            voi des fonds accordés jusque-là; l'intendant n'eut plus que la seule res-
            source de la monnaie de cartes pour solder les dépenses de la colonie; il
            en émit tellement que cette monnaie tomba en grand discrédit; elle
            diminua de moitié et provoqua un désarroi complet dans le commerce,
            causant par là même la ruine de plusieurs marchands.
                En 1714, après la paix d'Utrecht, on dit qu'il y avait pour 1,600,000
            livres de cette monnaie en circulation.   Il fut jugé impossible par les
           trésoriers généraux de racheter un montant aussi considérable et les
           habitants consentirent à une réduction de 50% sur le total; on décida
           que la balance des huit cent mille livres serait payée par de versements
           annuels de cent mille livres chacun, à commencer du premier mars 1715.
                Mais comme les finances de la Métropole étaient en aussi mauvais
           état que celles de la colonie, on se contenta de faire un paiement de 33,000
           livres seulement, en 1716; en 1717, la valeur de la monnaie de carte fut
           encore réduite de moitié, et on décréta que cette valeur serait la même en

                (I)-Il Y avait des cartes de deux, quatre, seize et de trente-deux livres.  La valeur étai +
           inscrite sur chaque côté de la main du commis du trésorier et toutes les cartes étaient signées par le
           gouverneur général, par l'intendant et par le commis du trésorier.  On y frappait les armes du roi,
           celles du gouverneur général et de l'intendant.  Il faut remarquer que cette monnaie de carte portait,
           comme les monnaies de France ayant cours en Canada,une valeur d'un tiers en sus. Ainsi une carte d'une
           livre, vingt sols en Canada ne valait que 15 sols en monnaie de France et les autres cartes en proportion.
           De là les dénominations monnaie de France, monnaie du pays, que l'on rencontre si souvent dans les
           vieux actes.  Cette distinction entre ces deux monnaies avait été fixée par un arrêt du conseil d'Etat
           en date du 18 novembre 1672 et elle avait été faite à la demande de la compagnie des Indes Occidentales
           dans le but de faire rester en Amérique les espèces qui y passeraient de France.  Mémoire cité sur la
           monnaie de carte.
                ( :)-"Pour comprendre ce que c'est que les lettres de change que l'on vient de dire que l'on
           tirait sur les trésoriers généraux, il est à propos d'expliquer comment et pourquoi elles étaient données.
           Les officiers qui sont payés par le roi, ayant de même que les habitants moins besoin d'argent que des
           effets et marchandises qui leur sont nécessaires, aiment mieux être payés en France que dans la colonie.
           Ils donnent leur quittance d'appointement au commis du trésorier qui leur fournit des lettres de change
           sur le trésorier général et ils les adressent à leurs correspondants en France qui en reçoivent le paiement
           et leur envoient ensuite ce dont ils ont besoin.  Ceux qui veulent faire remettre de l'argent enFrancele
           porlent de même au commis du trésorier qui leur donne pareillement des lettres de change sur le trésorier
           général.  Cet usage est établi pour la facilité du commerce." Mémoire cité sur la monnaie de cartes
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