Page 222 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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La nuit était bien avancée lorsque monsieur de Saint-Luc,
en arrivant à Québec, se présenta à la porte du château
Saint-Louis, dont on lui refusa d'abord J'entrée; mais il fit
tant d'instances, en disant qu'il était porteur de nouvelles de
la plus haute importance, qu'un aide de camp consentit enfin
à réveiller le gouverneur, couché depuis longtemps 1. Murray
ne reconnut pas d'abord monsieur de Saint-Luc, et lui de-
manda avec colère comment il avait osé troubler son repos,
et quelle affaire si pressante il avait à lui communiquer à
cette heure indue.
- Une affaire bien importante, en effet, monsieur le gou-
verneur, car je suis le capitaine de Saint-Luc, et ma pré-
sence vous dit le reste.
Une grande pâleur se répandit sur tous les traits du géné-
ral; il fit apporter des rafraîchissements, traita monsieur de
Lacorne avec les plus grands égards, et se fit raconter dans
les plus minutieux èétails le naufrage de l'Auguste. Ce
n'était plus ce même homme qui avait voué pour ainsi dire
à la mort, avec tant d'insouciance, tous ces braves officiers,
dont les uniformes lui portaient ombrage 2.
Les prévisions de M. de Lacorne se trouvèrent parfaite-
ment justes; le gouverneur Murray, considérablement radouci
après la catastrophe de l'Auguste, traita les Canadiens avec
plus de douceur, voire même avec plus d'égards, et tous ceux
qui voulurent rester dans la colonie eurent la liberté de le
faire. M. de Saint-Luc, surtout, dont il craignait peut-être
les révélations, devint l'objet de ses prévenances, et n'eut qu'à
se louer des bons procédés du gouverneur envers lui. Ce
1. Historique. Ma tante, fille de M. le chevalier de Saint-Luc,
m'a souvent raconté l'entrevue de son père avec le général
Murray.
2. L'auteur, en rapportant les traditions de sa jeunesse, doit
remarquer qu'il devait exister de grands préjugés contre le gou-
verneur Murray, et qu'il est probable que la colonie ne l'a pas
épargné. M. de Saint-Luc, dans son journal, en parle plutôt
avec éloge qu'autrement; mais, suivant la tradition, ces ménage-
ments étaient dus à la conduite subséquente du gouverneur en-
vers les Canadiens, et surtout à la haute faveur dont lui, M. de
Saint-Luc, était l'objet de la part de Murray.
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